- say you won't let go -
lysandra hart et miles laurens

Le vent souffle sur la baie de Brighton. Il ne laisse de répit aux vagues qui s’échouent avec violence sur le rivage et façonne un autre paysage, meurtrie, violenté. Une vision qui fait resurgir quelque chose en l’homme perdu qu’est Miles. Il a toujours été habitué aux champs de bataille, mais celui qui lui revient est affreux, car une belle chevelure de geais est dans ce paysage de chaos. Cette même tignasse qui est étalée en soleil sur cet oreiller dans ce lit souillé de son amour. La silhouette sous les draps provoque en lui un désir bien irrationnel. Physique mais au-delà même de la chair, comme s’il convoite l’âme de cet être si beau et si fragile. Avoir quitté les draps seuls témoin de leur nuit d’amour, ne l’aide pas. Il ne peut se résoudre à aller au-delà de leur chambre qui malgré le temps grisâtre est baignée de lumière, bien loin de ce qu’ils ont connu là-bas. Lui comme elle, ils ont besoin de cet espace, de cette grandeur, de cet espace où ils peuvent respirer. Peut être trop grand pour eux, mais peut-être aussi jamais assez grand pour ces deux âmes revenant à la vie doucement. Son regard bleu glace parcoure les formes que ce corps forme sous les draps. De douces vagues sensuelles qui le pousse encore au pêcher, inlassablement. Il s’avance contourne le lit et vient se poser tout près d’elle, sa main vient caresser cette chevelure d’ébène délicatement, dégageant le fruit de son désir. Cette nuque blanche, immaculée. Ses lèvres trouvent le chemin à sa peau facilement, remonte jusqu’à son oreille entre baisers et caresses. – Hi…. What do you want for breakfast ? Sa main descend sur le bras de la demoiselle, doucement, telle une habitude, même si est si nouveau pour Miles qui se laisse à aimer ce corps, cette âme, cet être dans son entièreté.

Elle dort d’un sommeil paisible, son corps à peine recouvert par les draps qui habillent leur lit. Quelques rayons de soleil filtre à travers les stores pendues à la fenêtre de leur chambre, que le vent des côtes maritimes balaye avec force, créant un effet de domino alors que les panneaux se balancent l’un contre l’eau dans une mélodie que le bruit des vagues étouffent. Lysa ne craint plus de retrouver les bras de Morphée dès lors qu’elle sait que Miles dort à ses côtés. Elle sait qu’il sera là, si les terreurs nocturnes devaient la tirer de son précieux repos. Elle n’aurait qu’à se blottir contre lui, ses bras l’emprisonnant dans cette prison dorée dont elle ne veut plus jamais avoir à s’extirper, au contraire de celle qu’elle a quitté, un mois plus tôt. Les courbes de son corps se sont creusés avec ses années de carence nutritive, et elle se sent à la fois plus fragile et plus forte que jamais malgré les échos d’un passé pas si lointain qui continuent de venir la hanter. La pauvre ne peut s’empêcher de sursauter au contact de cette main contre sa crinière aussi sombre qu’une nuit sans lune, mais ce parfum qui lui chatouille le nez a le don de la calmer instantanément, tout autant que les baisers qu’il dépose avec délicatesse contre son épiderme, alors qu'elle frisonne à son contact chaud et réconfortant. Elle sourit, la bienheureuse, alors qu'il s’enquiert de ses désirs pour cette matinée qui s’annoncent. Les gestes de l’homme laisse pourtant présagé un tout autre type de faim que le petit-déjeuner ne saurait combler. – Hi. - lui répondit-elle d’une voix légèrement ensommeillée, bien que le contact de ses doigts contre sa peau délicate finissent par la tirer de son engourdissement matinale. – Hm, I don’t know. Maybe you should tell me what you have in mind. – Elle referme les yeux un court instant, laissant les lèvres du brun continuer leur exploration au creux de son cou, alors qu’elle passe l’une de ses mains contre son bras qu’elle peut toujours sentir musclée sous l’extrémité de ses doigts. Ce régime rigide qu’on leur a été imposé ne l’a pas épargné, lui non plus, mais elle ne doute pas qu’il retrouvera sa forme d’antan, rien que pour assumer son rôle de protecteur qu’il s’est lui-même octroyé et duquel il ne démords pas. Il fera toujours ce qui est le mieux pour la protéger, elle, qu’importe ce que ça lui coute, et Lysandra n’a que son cœur à lui offrir pour le remercier.

Elle est belle sous ses draps. Elle est belle, endormie dans leur lit, ainsi. Dénudée, juste à lui. Jalousement, il pense, il ose l’insolent, il aime penser qu’elle peut être à lui. Depuis si longtemps il a quelqu’un à perdre, pour qui il pourrait donner sa misérable vie. Ses pensées se muent dans des sentiments voguant à travers son âme, revenant inlassablement comme la mer qui s’échouant sur la plage. Il parcourt ce corps qu’elle lui offre encore une journée, une journée de plus. Il sourit, dépose ses sourires sur la peau de sa bienaimée. – I don’t know what you mean. I only offer you a good breakfast. Il se relève, arrêtant de l’embrasser, même si l’envie est plus que fiévreuse. Après tant de mois, tant d’années à prendre les coups tous deux, il ne désire plus qu’une chose : la couvrir comme une reine. Que se soit de baisers, d’or, d’argent, à ses yeux, pour Miles, Lysandra méritait tout. Peut être que l’homme de son autre vie le pensait aussi, mais ce rôle lui revient maintenant, à lui, pas au passé de la jeune femme dont elle ne se souvient pas. – So what do you want ? Coffee ? Tea ? Toast ? Eggs ? Ask what you want, you will have it. Il ne se retient pas plus longtemps et s’empare de ses lèvres qu’il désire depuis son réveil. Sa main caresse sa joue avec tendresse, puis ses doigts glissent dans cette chevelure de jais. Il délaisse, rompt le baiser à regret et ne peut retenir un sourire, timide mais sincère. – But firts… breakfast… Il repousse les draps et se lève. Il ouvre la porte et laisse Yogo entrer et s’installer à côté de Lysandra, comme il le lui a appris. Miles a l’esprit plus tranquille quand il s’absente, même dans la pièce à côté, de la laisser avec Yogo. Il s’adosse à l’encadrement de la porte et la regarde, les bras croisés sur son torse, juste elle, rien qu’elle, car maintenant elle est son monde, son centre de gravité, son tout. Sans elle, il n’est rien, ils sont à eux deux une balance en équilibre, ils le sont depuis ces trois dernières années.

Elle se laisse bercer par les caresses de ces baisers tout contre son épiderme, sent ces lèvres chaudes qui butinent la froideur de sa peau dénudée, elle frisonne sous les gestes louangés de son tendre amant. La faim qui noue son estomac n’a rien d’égale au désir qu’il éveille en elle de sitôt matin, mais il joue les ignorants, feint d’ignorer les sous-entendus et un léger soupir s’échappe des lèvres de la belle endormie. – Sure, that’s really all you have in mind. – lui répond-elle simplement, alors que son regard ambré croise celui de l’homme qui la surplombe. Elle l’observe, laisse son œil avisé suivre les lignes de son corps qui se découpe dans la pénombre matinale, alors qu’il énumère une variété de possibilité à laquelle elle n’est point attentive. – Hm, let me th… – Il l’interromps sans réellement sans soucier, capturant dans un baiser dévorant ses lèvres qui n’avaient de cesse de le réclamer. Elle sent le contact de ses doigts contre sa joue, et cette main qui se perd dans l’ébène de sa chevelure.  L’échange est court, trop court pour combler ce manque qui se fait plus violent à chaque fois, mais Lysa n’insiste pas. Il ne lui en laisse pas le choix, s’éloignant du réconfort de leur couche pour laisser pénétrer dans la pièce l’animal protecteur, reflet d’un maître qui l’est tout autant. La bête se couche à ses côtés, et elle laisse ses doigts se perdent dans les poils du canin alors qu’en observateur, Miles la guète au loin. Il ne décroche jamais son regard d’elle, de peur qu’elle disparaisse s’il s’égare momentanément. Lysa n’a pourtant que cet homme dans son cœur, qu’importe ce qu’en prétende tous ces autres. Mariée sur papier, l’homme qu’elle a épousé n’existe pourtant pas dans le vaste étendu de son esprit, perdue dans un subconscient éteint, défaillant. – I’ll take a coffee and some fruits, if we have any.  – se pose-t-elle enfin. Son appétit est capricieux et la belle tente de l’amadouer en prenant des décisions sensées pour éviter que son corps ne rejette ses précieux nutriments, à l’image des premiers jours suivant son retour à la vie en société. Pourtant, la dent sucrée qui sommeille en elle réplique d’une virulente opposition. – Bring pastry too. The chocolate ones. I've got a craving for this. – Et elle sourit, la belle. Rien que pour lui.

Elle est belle. Pas simplement belle dans un sens commun, mais dans un sens hors norme, exceptionnelle. Une beauté qui n’appartient à personne, personne sauf elle. Miles n’est pas poète, mais il se ferait poète si elle le veut. Miles n’est pas artiste, mais pour elle il dessinerait des tableau jour et nuit. Miles n’est pas astronome, mais si Lysandra lui demande, il apprendrait tous les noms des astres, il lui achèterait même une étoile à son nom, pour la graver, elle la déesse de ce monde, à jamais dans l’espace-temps. Il est prêt à tant de choses pour elle, Miles est prêt à tant de choses extraordinaires, car l’extraordinaire qu’elle est le rend un peu extraordinaire à son tour. Pourtant elle, l’extraordinaire brille tellement fort qu’il est irrévocablement attiré à elle. Son esprit lui dicte qu’il faut faire autre chose, une chose plus primaire, mais essentiel ? Son instinct protecteur reprend le dessus, le dessus sur ses envies à lui. Seulement, l’attraction est plus forte, même avec la présence de Yogo, il n’git pas forcément logiquement, selon un plan logique, il revient sur ses pas et vient lui voler un baiser. Pas de mots mais une pensée qui traverse leurs esprits, celle d’une promesse, celle de revenir toujours à elle tant qu’elle le voudra. Les mots ne sont pas son fort, pourtant il sait que Lysandra a compris. Compris que si elle l’appelle il reviendra, que si elle en danger il la retrouvera, si elle a besoin, il sera là. Il passe finalement le pas de la porte coulissante. Le plateau se rempli plus rapidement que normalement, Miles a un esprit très analytique, chaque mouvement est concluant, pas de gestes inutiles, tout ça dans un esprit pressé par le temps et tactique, comme sur un champ de bataille. Bien heureux d’avoir fait les courses de la veille et d’avoir encore des tocs du passé comme l’achat de fruits pour sa sœur, il remplit le plateau rapidement en ajoutant un yaourt au passage tandis que le café coule dans la machine. Plongé dans son affaire, son esprit est pourtant aux aguets et un sourire se dessine comme une esquisse sur ses lèvres. – You can’t wait uh ? Il se retourne en lui déposant sa tasse de café devant elle sur le comptoir. Il se rapproche d’elle et dépose un baiser sur le haute de sa tête, comme pour lui insister d’y aller doucement. – Coffee and… fruits. Il dépose le bol de fruits devant elle. Il tire une chaise et la laisse s’installer tout en allant se replacer derrière le bar. – Do you anything else ? I don’t have pastry, but i can go search it, if you really want it. Sa voix se ternie, il n’en a pas envie, la quitter, la laisser seule. Le vent dehors, la pluie qui ne tardera pas à tomber, ces conditions aller peut-être mettre à rude épreuve les nerfs déjà fragiles de Lysandra. Miles connaît les symptômes, même s’il n’en souffre pas au point de Lysandra, il sait qu’une ambiance angoissante, un isolement prolongé pourrait provoquer une crise. Il ne montre rien, mais il s’inquiète.

Elle ignore ce qu’elle ferait sans lui, sans sa présence rassurante à ses côtés. Comment aurait-elle réagi s’il n’avait pas accepté de la suivre jusqu’ici, alors qu’elle était sur les traces de son passé, de ses souvenirs oubliés? Il aurait eu tous les droits de refuser, au fait de sa situation maritale qu’elle avait découverte à ses côtés. Mais il s’était entêté à rester, à l’accompagner, partout où elle irait, incapable de laisser la moindre distance les séparer l’un de l’autre. Le simple fait de le voir revenir sur ses pas pour arracher un nouveau baiser sur ses lèvres, alors que le canin se trouve coincé entre eux, ne fait que le prouver un peu plus. L’homme est avare de mots, mais Lysa parvint à déchiffrer en lui tout ce qu’il ne parvient pas à lui dire, à comprendre dans chacun de ses gestes tous les sous-entendus qu’il y glisse. Il est pour elle un livre ouvert, alors que pour d’autres, il semble être un homme froid et distant. Il délaisse finalement la chambre pour aller rejoindre la cuisine, et désormais seule, avec comme unique compagnie Yogo, la brunette angoisse, bien qu’inutilement. La solitude ne fait pas bon ménage avec ce trauma qui hante constamment ses pensées. Dégageant la couverture qui recouvre encore son corps, elle se glisse hors du lit, et attrape en vitesse un peignoir en satin léger qui trainait sur la commode, ne perdant pas de temps pour quitter elle aussi cette pièce afin de rejoindre son protecteur, son amant, son sauveur, le chien sur ses talons. – You know why I can’t. – lui répondit-elle simplement, sans se pencher plus longuement sur le sujet. Il contourne le comptoir afin de déposer devant elle son café, avant que ses lèvres ne viennent se poser en douceur à la limite de sa chevelure et de son front, un geste qui fait naître l’ombre d’un sourire sur celles de la jeune femme. Le bol de fruits ne tarde pas à retrouver son compagnon, et Lysa s’installe sur la chaise que l’homme vient tout juste de tirer pour elle, toujours autant attentif à ses désirs, ses besoins. – Thanks, my love. – Retournant vaquer à ses occupations, il s’enquiert tout de même à savoir si quelque chose lui manque, autre que ces viennoiseries qu’il n’a malheureusement pas sous la main. Il propose même de sortir pour aller en récupérer en vitesse, mais elle s’y oppose d’un signe de la tête. – No, it’s all right. No need to rush, I can live without for now. We just need to not forget them, next time we do the grocery. – La simple idée qu’il la laisse, ne serait-ce que quelques minutes seule à l’appartement, lui noue l’estomac, et elle comprend le malaise qu’elle a pu percevoir dans sa voix, cette petite inquiétude qui s’est glissé entre ses mots. Une crainte fondée, prévisible, dans un cas typique comme le sien. Attrapant une fraise dans le bol devant elle, elle y croque à pleine dent, savourant le goût sucré qui s’en dégage. Elle goûte le fruit avec une certaine lenteur, tout comme ces petits loisirs qu’elle a appris à savourer, depuis son retour à la vie. Des trucs aussi anodins que de prendre une douche ou d’avoir de l’eau à disposition. De sentir le soleil réchauffer sa peau. D’observer la neige qui tombe sur les rues de Brighton. – Do you have any plans for today? – cherche-t-elle à s’enquérir auprès de l’ancien soldat, alors qu’elle porte à ses lèvres le café brulant, qu’elle tente de refroidir en soufflant légèrement à sa surface. Un coup d’œil rapide à la fenêtre laisse présager une journée pluvieuse et grise. Elle a toujours aimé la plus, Lysandra, mais elle préfère désormais l’observer de l’intérieur que de la sentir tomber sur elle, cette sensation la ramenant quelques semaines plus tôt, alors qu’on les libérait de leur prison et que le ciel se déchainait. – I’d prefer we stay here... but it’s up to you, dear. – Elle lui donnait toujours le choix, mais elle se doutait bien que Miles se plierait à ses volontés, ne serait-ce que pour lui faire plaisir. Un jour, il s’en lasserait, songea-t-elle en silence.