Milo aimait les sensations fortes, c'était indéniable, surtout qu'il se mettait parfois dans des situations périlleuses. Toutefois, il était entraîné en conséquences et savait qu'il pouvait faire confiance à son corps pour s'en sortir. Par contre, il avait parfois un peu de mal à comprendre le besoin de Teddy de se mettre en danger sans mesurer les conséquences. Milo se rappelait encore de la fois où il avait accepté d'aller faire une virée en voiture avec lui et qu'il avait fini cramponner à la poignet, car Teddy roulait comme un fou furieux refusant d'enlever son pied de l'accélérateur, ce jour-là, il avait prié pour que son pote ne se décide pas à conduire les yeux fermés. Quand on le traitait de tête brûlée, il pouvait facilement rétorquer qu'il n'était pas le pire cas après avoir vu Teddy en action. Pour une fois, ils avaient choisi une activité sans risque à faire ensemble. Se rendre au cinéma, car ils voulaient tous les deux voir le même film et que cela paraissait stupide de s'y rendre séparément. Surtout qu'il s'agissait d'un film plein d'action et de testostérone. Après deux heures sans rien dire, Milo se remet à parler dès que les lumières se rallument. « Teddy j'ai ressenti un truc quand nos mains se sont touchées dans la boite de pop corn... ». Milo fait volontairement une pause dans sa phrase pour ménager le suspens et surtout parce qu'il était conscient du sous-entendu de ce qu'il venait de dire. « T'as les mains moites, tu devrais voir un docteur. ». Milo ricane de sa blague tout en continuant d'avancer en essayant de doubler quelques personnes pour sortir plus rapidement. Une fois dehors, il glisse aussitôt une cigarette entre ses lèvres, c'était mauvais pour sa santé, il le savait et même la présence d'un médecin à ses côtés ne lui ferait pas changer cette mauvaise habitude. « La tristesse à notre âge de se rendre au ciné entre potes. Si je suis pas casé avant la fin de l'année 2018, tu dois me présenter une de tes sœurs, c'est qu'un juste retour des choses. ». Cela faisait tellement longtemps que Teddy avait fréquenté sa sœur, parfois il avait l'impression que c'était dans une autre vie. Néanmoins, cela lui arrivait de remettre cette histoire de temps en temps. Milo sort son portable de sa poche pour regarder l'heure. En théorie, ils avaient amplement le temps d'aller se boire un verre dans un bar, mais il avait un peu peur que Teddy l'entraîne dans une tournée des bars interminable et qu'il finisse par se battre à ses côtés. Une part de lui avait envie de sortir s'amuser comme lorsqu'il était jeune et l'autre pensait un chef d'entreprise responsable. La guerre était ouverte.

Il doit admettre que pour une fois oui, c'est agréable de ne pas se retrouver tout seul au cinéma. De là à l'avouer à Milo, c'est autre chose. Parce qu'il sait que s'il dit ça, il va passer pour un grand sentimental et mettre en jeu le peu de dignité qu'il doit lui rester dans les yeux de son ami. Ça n'a rien de négatif, dit comme ça, Walsh reconnaît juste que Milo l'a vu à son meilleur, mais aussi dans ses pires états. Comme il y a quelques années de ça, à trois heures du matin, le nez pissant le sang et le corps voûté sur le banc de la cellule de dégrisement. Alors non, Teddy ne compte pas remettre en question sa virilité en avouant que cette séance cinéma à deux, c'est plutôt cool, ce serait beaucoup trop cheesy. L'aîné sort enfin de ses pensées et son regard jusque là absorbé par le générique se tourne vers Milo qui, à peine la séance terminée, trouve le moyen de caler une blague vaseuse de son cru. Ça n'empêche pas Teddy de rire – parce qu'il ne lui en faut pas beaucoup de toute façon – et alors qu'il acquiesce doucement, le sourire remonté jusqu'aux oreilles, il répond. « Oh oui, excellent Milo, et tu te demandes pourquoi tu es encore célibataire ? » Cheap shot, il en a bien conscience, mais il est toujours comme ça Teddy : moqueur et espiègle, Milo le connaît depuis le temps et il sait sans doute qu'il n'y aucune once de méchanceté derrière tout ça. Walsh le suit jusqu'à l'extérieur, allant jusqu'à lui subtiliser une cigarette – chirurgien irréprochable, mais pas trop non plus. La remarque de son ami lui arrache un sourire, il secoue la tête. « Dans tes rêves les plus fous, Hawkins. Si tu poses tes jolies petites mains sur ma sœur, tu pourrais bien avoir trois Walsh à tes trousses. » Il tire sur sa clope, accompagne sa réponse d'un clin d’œil entendu. En réalité, ça ne le dérangerait pas de savoir sa sœur avec Milo. Parce que Teddy, il sait que c'est un type bien. Le genre de gars que tout le monde aimerait avoir comme gendre ou comme beau-frère. « En revanche, on peut aller boire un verre, qui sait, la femme de ta vie t'attend peut-être dans un bar. » Il hausse les épaules et part à reculons dans la rue. Il a peur que Milo dise non. Qu'il soit responsable et un peu trop sage. Le chirurgien tire une fois de plus sur la cancerette et reprend de plus belle. « Allez. Ça n'engage à rien. Un verre et promis je t'aurais couché et bordé pour minuit pile. » Il ne se sépare pas de ce sourire espiègle. La nuit est jeune et Walsh compte bien en profiter. Et c'est sans doute là tout le problème.

L'avantage d'être son propre patron, c'est qu'il n'avait pas besoin de se justifier s'il était en retard au travail, surtout que Calvin n'oserait jamais rien lui dire s'il se pointait avec une gueule de bois carabinée. Le pire qui puisse lui arriver soit qu'il se retrouve dans une conférence visio improvisée, rien de bien méchant en soit. Alors, il n'avait pas vraiment d'excuses pour refuser de prolonger leur temps ensemble, mais par principe, il fait mine d'hésiter et d'être vexé par les moqueries de Teddy. Il tire sur sa clope avec un sourire constipé pour lui faire peur, alors qu'il n'était pas susceptible le moins du monde. « Je laisse les pochtronnes pour toi, c'est plus ton style. ». Connaissant Milo, il avait plus de chance de rencontrer une femme en ligne ou à un comic con que dans un bar. Non pas qu'il soit mauvais dragueur, au contraire, sa tchatche était plutôt efficace, mais c'était difficile de trouver une femme qui supporte son âme de geek sur le long terme. Son amour des jeux vidéos avait été la cause de la plupart de ses ruptures à des degrés différents évidemment. « T'as cru je me transformais en citrouille à minuit ? J'ai pas douze ans. ». Il lève les yeux en l'air. C'était sans doute la réaction que Teddy avait cherchée à provoquer en le titillant et cela avait marché à merveille. Milo tourne la tête à plusieurs reprises pour voir s'il y'avait un bar à proximité qui semblait dégager une bonne ambiance. Il aperçoit quelques personnes en train de chanter et tanguer joyeusement devant un établissement et le montre du doigt. « On va là bas, ça a l'air festif. Tu seras dans ton élément ! ». Milo n'attend pas son approbation pour se mettre à marcher dans la direction du bar. Après tout, l'essentiel était la compagnie, cela importait peu de l'endroit ou de ce qui se trouvait dans leurs verres finalement. Milo arborait un sourire enjoué, ils avaient tout deux des métiers sérieux, mais ce n'était pas pour autant qu'ils devaient se montrer raisonnables en dehors. L'âge n'était qu'un détail. « Franchement, c'est dommage que t'ai pas choisi la chirurgie plastique comme spécialité. Je suis sûr que t'aurais mieux pécho en promettant des boob job à tout le monde. ». Il rigole à sa propre blague tout en tenant la porte du bar pour permettre à son pote de rentrer.

Il aimerait vivre de ces instants simples, Teddy. Avancer dans les nuits interminables sans le poids des responsabilités pour peser sur ses épaules devenues trop étroites dernièrement, pour gérer la masse qui lui tombe dessus jour après jour. Alors il rit et il sourit aux anges, il se comporte comme un enfant alors que dans cinq ans il soufflera sur quarante bougies. Les traits s'étirent dans une moue amusée, entre deux mots qui tombent d'entre ses lèvres pour se moquer de Milo. C'est de bonne guerre, car le brun le lui rend bien, tirade après tirade – et une fois de plus il constate à quel point ça peut être facile, de faire démarrer son cadet au quart de tour. Il en joue, s'en amuse et ça fait un bien de fou de rire sans se soucier du reste, sans s'inquiéter de le froisser parce qu'il est franchement maladroit avec les mots Walsh, parfois. « A t'écouter, je passe mon temps dans les soirées. Tu sais bien que j'me fais vieux et raisonnable pourtant. » Soupir las, douce ironie qui laisse un goût amer sur le palais ; être raisonnable c'est bien ce qu'on attend de lui, il en est pourtant incapable. La porte ouverte il s'engouffre dans le bar alors qu'un nouveau rire roule sur ses cordes vocales. « Tu te fais des idées, pas besoin de promettre des boob job, mon charme naturel fait tout. » Il bat des cils et un sourire mutin barre brièvement ses lèvres, alors qu'il prend pour quelques secondes des airs de petit chérubin. Ses pas l'entraînent vers le bar, il trouve deux tabourets et s'y laisse tomber avant de taper des mains sur la surface dure du comptoir, attendant son tour comme un enfant impatient. « Deux shots et votre meilleure bouteille de vodka. » Il tourne la tête vers son ami, lui accordant un simple sourire pour témoigner de son amusement. « Allez, tu pensais vraiment t'en sortir avec un petit diet coke? » Le sourire s'élargit encore et le chérubin devient démon. Mais Milo a l'habitude des plans foireux. Milo a l'habitude de le traîner à trois heures du matin quand Teddy ne connaît plus sa gauche et sa droite. Walsh ce soir, il veut juste se noyer au fond de son verre et oublier tout le reste. Les seringues et les bistouris, les amours éphémères et les gifles trop nombreuses. « Au pire, j'finirai par te demander ta main. Mes parents t'aiment déjà et t'es plutôt pas mal. » Qu'il ajoute, laissant tomber sa tête sur sa main, coude appuyé sur le bois du comptoir, sans se départir de son sourire.

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