Pendant ton cours, tu ne trouves rien de mieux à faire que de gribouiller sur un coin de ta feuille au lieu d'écouter ce que le professeur a à raconter. Pour une raison quelconque, c'est impossible pour toi de te concentrer. T'as bien essayé au début de l'heure, depuis le premier cours de ce matin, même, mais assimiler ce qui est dit s'avère plus difficile que ce que tu pensais. T'as la tête ailleurs, le regard dans le vide, un soupir s'échappant de tes lèvres à chaque fois que tu te rappelles que tu ne pourras retrouver la tranquilité que dans plusieurs heures et qu'en attendant, tu dois te contenter de rester assis sur une chaise pendant encore quatre heures dans une salle où tu ne connais personne. Enfin, tu connais quelques visages, quelques noms, mais tu ne leur as jamais adressé la parole, sauf à ta voisine de gauche qui ne cesse de vouloir engager la conversation à chaque heure de cours. Cette fois-ci, elle te demande ce que tu dessines, pourquoi tu ne prends pas de notes, pourquoi est-ce que ton mini croquis d'une maison ressemble à celui d'une baignoire. Tes réponses sont brèves, marmonnées. Ce n'est pas que tu ne l'aimes pas, cette pauvre fille, c'est que t'es bien trop réservé pour engager une conversation avec elle et qu'en plus de ça, t'es pas un grand adepte de la socialisation. Et puis t'as pas tellement envie de parler à qui que ce soit aujourd'hui. Du moins, à personne de cette classe.

Lorsque le professeur annonce enfin la fin du cours, tu bondis de ta chaise, rassemblant rapidement tes affaires pour partir le plus vite possible afin que ta voisine de classe ne te suive pas pour continuer à te parler comme elle l'avait fait la dernière fois. Tu te sens un peu mal pour elle à cause de ça, mais t'es pas vraiment d'humeur à te forcer à l'écouter. Tu t'empresses de te faufiler dans le couloir, zigzaguant entre les autres étudiants, le regard fixé sur le sol. Soudain, tu sens un bras se glisser autour de tes épaules, te sortant de ta rêverie en te provoquant un mini-arrêt cardiaque, avant d'être rassuré à la vue de Jaewon, puis confus en remarquant qu'il te dévie de ta trajectoire initiale. Quand tu remarques son sourire taquin, tu sais qu'il a une idée en tête, ce qui se confirme quand il prend la parole. « Mais j'ai un cours d'histoire dans trois minutes. » Tu tentes d'éviter de te faire embarquer dans une "aventure", pour citer Jaewon, pour au moins te présenter à tes cours malgré ton manque d'implication évident. Néanmoins, toute envie d'y échapper s'évapore lorsque tu lances un coup d'œil derrière toi et que t'aperçois encore une fois la bavarde du cours précédent avancer vers toi avec un grand sourire sur les lèvres. Désormais, partir d'ici paraît être le plan idéal. T'accélères alors le pas en t'assurant que Jaewon te suit. « Bon d'accord, qu'est-ce que t'as en tête ? » Tu lui demandes alors tout en priant pour qu'il s'empresse de te raconter son plan et que vous puissiez sortir d'ici rapidement.

Tu aurais dit oui, c'est certain. Même s'il n'y avait pas eu cette fille et ton manque d'envie de travailler aujourd'hui, tu n'aurais pas refusé ce que t'a imposé Jaewon. Peut-être aurait-il fallut qu'il te persuade, mais tu sais que tu aurais fini par te laisser emporter dans son aventure. De toute façon, ton absence ne sera même pas remarquée pendant ton prochain cours. Le professeur ne fait jamais attention à qui est présent et qui ne l'est pas. C'est également l'une des raisons pour lesquelles tu te laisses guider jusqu'à une porte qui indique en lettres capitales, bien en évidence qu'elle est réservée aux employés. Tu lances alors un regard interrogatif vers Jaewon dans l'attente d'une explication qu'il ne tarde pas à te donner. « Je me suis fait dire qu’il y avait vue incroyable de la ville à partir du toit. » À partir de l'instant où cette phrase est prononcée, tu devines parfaitement là où il veut en venir. « Et il s'avère que je sais comment m'y rendre. » Pour être honnête, la simple idée de te retrouver là-bas, en hauteur, ça ne te rassure pas tant que ça, surtout connaissant ton côté bien maladroit. Si ça ne termine pas en catastrophe, tu seras plus que surpris.
Pourtant, quand Jaewon te rapproche de lui et que tu vois ses yeux suppliants, tu te mets à douter. Cette idée semble réellement l'enthousiasmer, et elle te tente bien aussi, mais est-ce que tu prendrais vraiment ce risque ? « T'en penses quoi ? S'il-te-plait ? » Ton regard se tourne vers la porte, puis vers le couloir désormais désert, pour enfin se poser de nouveau sur Jaewon. « C'est un peu dangereux comme plan, non ? » tu lui demandes d'un air à la fois hésitant et soucieux. Même si tu désires vraiment découvrir cette vue, ça reste risqué.
Cependant, tu n'as pas le temps de faire une liste de tous les arguments qui prouveraient ton point car tu te fais emporter malgré toi derrière la porte que tu voulais justement éviter de franchir. En entendant des bruits de talons hauts s'éloigner à travers la porte, tu comprends et pousses un soupir de soulagement. Une minute passe et tu restes immobile, le temps que ton ami vérifie si la voie est libre, puis ouvre la porte. Ou du coup, essaye de l'ouvrir. « Bon, et bien, pas moyen de faire marche arrière, maintenant. » Tes sourcils se froncent suite à ça. S'il dit ça avec humour, ça veut forcément dire qu'il n'est pas sérieux, pas vrai ? « Tu blagues, j'espère. » Pourtant, quand tu t'avances pour tenter d'ouvrir la porte à ton tour, celle-ci ne bouge pas d'un milimètre. Lentement, tu lâches la poignée et t'éloignes de la porte. « Jaewon Black. » Tu marmonnes son nom d'un air faussement désapprobateur en tournant la tête vers le brun à tes côtés, les lèvres plissées pour empêcher un léger sourire de se dessiner sur celles-ci. C'est fou quand même que même lorsque tu te décides à ne pas donner à Jaewon ce qu'il veut, il l'obtient tout de même. « Si quelque chose arrive, sache que je reviendrai pour te hanter. » Tu déclares d'un ton décidé, avec une légère pointe d'humour.

Tu détournes ton regard pour le diriger vers l'endroit où il vous a traîné et réalise qu'il n'y a que des escaliers, logiquement ceux qui mènent au toit. Et bien, comme Jaewon l'a si bien dit, vous n'avez pas moyen de faire marche arrière. « Après toi. » Tu lui dis, désignant les escaliers d'un signe de tête. Ce n'est pas comme si tu avais une idée concrète des directions à prendre pour arriver à destination. Il est évident qu'il faut monter, mais après ça, tu n'en sais rien. Tu espères juste que ton partenaire dans cette aventure sait ce qu'il fait.
Alors tu le suis, regrettant réellement de le faire tandis que tu t'essouffles en montant les marches. Tu as réellement l'impression qu'une éternité passe avant que vous vous retrouviez finalement devant une autre porte, sûrement celle qui mène au toit. Tu t'adosses au mur, le temps de reprendre ta respiration et jettes un coup d'œil vers Jaewon. « T'es sûr que c'est pas risqué ? » Mieux vaut t'en assurer une dernière fois avant que ce soit trop tard.