Encore une fois, t’es là, assis au Red Velvet. Tu sais que ça te met en colère de voir ces mecs baver sur elle. Mais c’est plus fort que toi, quand tu n’as rien à faire, il faut que tu viennes là, la voir. La surveiller oui, plutôt, mais ça, hors de question de l’admettre. Tu la trouve divinement belle quand elle danse. Tu sais qu’elle aime ça et ça se voit quand elle est sur scène. Ce que tu aimes moins, ce sont tous les autres, qui profitent du spectacle. T’es pas jaloux, non. Juste un brin… possessif. Tori elle est à toi, et t’es pas vraiment du genre partageur. Tu prends sur toi pour ne pas frapper le mec qui siffle un peu plus loin. Tu prends sur toi pour ne pas faire d’esclandre sur place, tu sais qu’elle aime son job, qu’elle a besoin de son travail. T’as beau être un sacré connard parfois, tu ne ferais rien qui la mettrait en mauvaise posture vis-à-vis de son emploi. Si toi, t’es pas quelqu’un de stable à ce niveau-là, c’est pas son cas à elle. Alors tu patientes sagement, jusqu’à ce qu’elle ait fini. Ce soir, tu la ramènes chez toi, t’as envie de passer du temps avec elle. En réalité, ça fait quelques jours que tu n’as pas décroché de contrat, et ça te mine, tu rumines. T’as besoin malgré tout de bosser assez régulièrement pour pouvoir payer ton loyer. Avant, tu t’arranger pour loger chez les gens une ou deux nuits ici et là. Mais maintenant que tu t’éternises un peu dans le coin, c’était plus une option de vaquer d’un squat à un autre, il te fallait un appart à toi.  Ce que t’as fini par trouver dans l’ouest de la ville. Rien de grandiose, c’est pas très grand, mais ça te convient bien pour le moment. Et comme toujours quand ça ne va pas, c’est vers elle que tu te tournes. Elle est ton point de repère à Brighton, ton ancre, ta bouée. Tu l’attends dehors, une clope au bec, adossé au mur. Quand elle sort, tu l’interceptes, une main s’accrochant à son poignet. « Tu viens chez moi ce soir poupée. » C’est comme ça que tu l’appelles depuis le premier jour. Elle est belle comme une poupée, elle est ta poupée, que tu manipules à ta guise. Tu ne lui demande pas son avis, tu lui tends un casque de moto. T’es peut-être un peu brute avec elle parfois, mais tu tiens à sa vie malgré tout. « C’est non négociable. » T’es un peu sec. Tu ne sais pas agir autrement avec elle. Elle éveille systématiquement cette colère en toi, sans que tu ne comprennes vraiment pourquoi.

Tu ne voulais pas lui parler de ton travail au Red Velvet. Tu n'en as pas parlé à ton frère, tu as eu du mal à cracher le morceau avec ton colocataire, et tu savais que Shiloh risquerait de péter un câble. Pourtant, t'as finis par te perdre dans tes mensonges, ton pseudo-travail à la fête foraine ne collait plus, et il a finit par savoir ; Tu te souviendras longtemps du soir où il l'a appris. Il était si en colère, tu ne l'avais jamais vu comme ça. Et puis, il s'est calmé, et maintenant, il vient te voir. Il s'assied dans son coin et une vraie aura noire se développe autours de lui, c'est à s'en glacer le temps. Bizarrement, t'es plutôt contente de le savoir dans la salle, ce soir, quand tu croises son regard. C'est pour lui que tu danses et uniquement pour lui. Tu ne vois même plus les vieux libidineux qui viennent tout les soirs. Quand ta voix s'élève, grave et roque, si particulière, et que tu entonnes ta première reprise, ta marque de fabriques, Mein Herr de Cabaret, tu le fixes un instant, avant de te plonger totalement dans ton rôle, ton personnage, ton numéro. Tu es quelqu'un d'autre, sur scène, tu te donnes totalement à fond, et reviens à toi seulement une fois la musique terminée. Tu offres ensuite deux autres solos au public et participe à la chorée commune puis tu sors de scène, ayant terminée ta soirée. Tu adores vraiment bosser ici, toutes tes passions y sont réunis. Tu vas te changer, dans les vestiaires, et en repassant par la salle, tu es un peu déçue de ne pas voir Shiloh. Tant pis. Tu salues Shahid en souriant et te diriges vers la sortie. L'air froid te fait frisonner ; tu detestes vraiment l'hiver et ce temps morne va vraiment finir par te monter à la tête. Tu sursautes violement quand tu sens une main enserrer ton poignet. Mais quand tu croises le regard de Shiloh, tu souris. « Salut, ça va ? » tu lui demande en le suivant. « On peut passer chez moi, que je prenne de quoi me changer, et mon sac, j'ai cours à 10h, demain. » elle est fidèle à elle même, Tori, elle parle trop, elle est de bonne humeur, et même s'il est un peu sec, elle continue à sourire, faisant néamoins un peu la moue. « J'ai mis 35 minutes à faire mon chignon, tout à l'heure. » mais elle rale surtout pour la forme puisqu'elle met le casque sans rechigner. Tu aimes monter derrière lui en moto, cette sensation de liberté, elle te fait voler.

Quand tu as appris qu’elle travaillait, sur le moment, t’es entré dans une fureur, qui toi-même t’aurait presque fait peur. T’étais devenu limite fou… fou de rage. Tu ne sais plus comment tu l’as su et au final tu t’en fiche. En réalité, ce qui t’a mis en colère, plus que ce qu’elle fait, c’est le mensonge, l’omission. Pourquoi elle t’a menti, à toi ? T’es pas son père. T’es pas son frère. Tu n’es rien pour elle, que son bourreau. Elle n’avait pas de raison de te cacher cela. Ça te change quoi toi, qu’elle danse ici ou qu’elle bosse ailleurs. Ok, c’est vrai, sur le coup, ça t’a fait chier de l’apprendre. Mais t’es passé au-dessus de la colère et t’as fini par venir la voir. Tu l’admires quand elle est sur scène, plus belle que jamais. Et sa voix, dont tu ne te lasses pas. Tu veilles, tu surveilles, ceux qui voudrais te la prendre. Tori, elle est tienne, tu ne laisseras personne te la prendre. Alors tu joins l’utile à l’agréable et tu viens là, la regarder faire son show, aussi souvent que possible. Et surtout, garder éloigner les pervers qui voudraient se l’approprier.

Enfin, elle sort. Tu jettes ta clope. Ce que son sourire peut t’exaspérer. Peut-être parce qu’il te plait. Peut-être parce qu’il a une emprise sur toi que tu n’aimes pas. Parce qu’il t’enchaine à elle. Dès cet instant, tu sais déjà que tu ne vas pas tarder à lui faire ravaler ce sourire. Tout comme tu sais que dès demain matin, tu regretteras de l’avoir fait. « Ça ira mieux quand on sera chez moi. J’aime pas comment ces mecs te regarde comme un bout de viande. » C’est pas de la jalousie, c’est de la possessivité. C’est de la protection aussi. Au fond, tu tiens à Tori, bien plus que tu ne veux l’admettre. Bien plus que tu ne veux te l’admettre. « Ok. Mais tu ne traines pas. Je t’emmènerais demain matin en cours. » Oui, tu contrôles énormément sa vie depuis que tu y es entré, mais c’est comme ça que t’es. Tu compenses l’abandon et l’indifférence dont tu as été victime enfant. Tu contrôles, tu décides quand tu pars. Personne ne te laisse, c’est toi qui laisse les autres dorénavant. « La sécurité avant tout. » Tu réponds pour la forme aussi, puisqu’elle a déjà mis le casque. Tu enfiles ton propre casque et t’installe derrière le guidon de ta bécane, attendant qu’elle prenne place derrière toi. Tu ne le diras pas, mais tu apprécies plus que de raison, quand elle s’accroche à toi, comme si sa vie en dépendait, ce qui est un peu le cas en moto et que vous prenez la route ensemble. Une fois Tori accroché à toi, avant de démarrer tu lui dis sur un ton radouci. « Tu étais parfaite ce soir poupée. » T’es généralement assez avare de compliments, mais il t’arrive d’en faire. Et quand tu les fais, ils sont toujours sincères.

T'es comme ça, Tori. Tu souris à la vie. Depuis gamine, même quand ça ne va pas. Tu ne peux pas t'en empêcher, c'est naturel, chez toi, t'es trop optimiste, trop naive peut être, ça te joue des tours parfois, mais c'est comme ça, tu es heureuse de le voir, là, devant toi avec sa gueule de petit con, alors tu souris, ouais, tu souris. Tu soupires cependant quand il répond à ta question. « C'est mon travail, et puis, ce n'est pas de ma faute si je suis incroyablement sexy mon chou » tu dis pour rire avec de lui demander s'il ne peut pas faire un détour par chez toi, ce qu'il accepte, durement. Tu pinces les lèvres, tu n'as pas besoin qu'il t’amène à la fac, tu peux marcher, mais si ça lui fait plaisir, tu ne réponds rien et enfiles le casque avant de monter derrière lui. Quand la moto démarre, tu t'accroches à lui, tes mains contre son torse chaud, ta tête contre son dos. T'es bien, tu te sens en sécurité même si à tout instant, la vie pourrait t'échapper. Vous arrivez rapidement chez toi, et quand tu descends de l'engin pour aller chercher tes affaires, il te parle de ta prestation. Alors tu souris, encore, Tori. « Merci mon chou, mais sache que je suis toujours parfaite. » tu le taquines, mais au fond, ça te fait plaisir, que lui, te trouve attirante et talentueuse. C'est le principal interessé après tout. Tu montes dans l'ascenseur et redescend finalement, moins de dix minutes plus tard, avec toutes tes affaires. « C'est bon. » tu dis en l'observant. Il a enlevé son casque et a une clope à la main. Tu t'approches de lui et profite de cet instant pour l'embrasser chastement. Après tout, tu n'en as pas encore eu l'occasion.

Ce qu’elle peut t’agacer quand elle te répond comme ça. Le pire c’est qu’elle a raison. Evidemment qu’elle est sexy, incroyablement sexy même. Justement, il est là le problème, ça te fait royalement chier que d’autres que toi en profite. Même si tu sais qu’en réalité tu n’as absolument aucun droit sur elle. Elle n’est même pas ta petite-amie. Et même si elle l’était, t’aurais pas plus de droit sur elle, elle n’est pas une chose, mais un être humain. Elle est majeure et a le droit de disposer de sa vie et de son corps comme elle l’entend. Sauf que t’es trop con pour le comprendre ça. Tu ne réplique rien, t’as pas envie d’être plus désagréable que tu ne l’es déjà là. Elle sait ce que tu en penses et c’est bien suffisant, bien que dans ton esprit, là tout de suite, tu penses que si elle était un peu moins sexy, ça t’irait bien aussi. Le trajet et la sensation de Tori accrochée à toi t’as un peu calmé et tu laisses échapper un compliment sincère. Sa réponse te fait sourire, alors que tu la regardes s’éclipser dans son immeuble à la recherche de ses affaires. T’aimes cette pointe d’assurance dont elle fait preuve. T’apprécies sa répartie.  C’est peut-être pour ça que t’es encore là, elle n’est pas là, à se trainer à tes pieds non plus. Elle dégage quelque chose de plus, derrière sa fragilité.

T’imaginant qu’elle en a pour un moment, tu ôtes ton casque et descend de ta bécane. Adosser à elle, tu entames une clope qui te fait le plus grand bien. Ça t’aide. C’est idiot, c’est mal, mais ça t’aide. A ton plus grand étonnement, tu n’as pas le temps de finir ta cigarette qu’elle est déjà de retour. Tu te laisses surprendre par son initiative, et instinctivement, tu la repousses, peut-être un peu plus fortement que tu ne l’aurais voulu. « Non ! » Ça te met en rogne. Elle sait pourtant que t’aimes pas les démonstrations en public. « Je m’attendais à ce que tu traines. Tant mieux, j’aime pas attendre. Aller monte. » Envolé le ton doux et sincère du compliment fait plus tôt. Bonjour le retour du ton sec et fermé que tu as très -trop- souvent. Tu lui re tend son casque, met le tiens et remonte sur ta moto. Pourquoi il a fallut qu’elle gâche tout, là ? T’es plus d’humeur. Habitant dans le même secteur géographique que Tori, vous ne mettez pas très longtemps à arriver chez toi. Tu gares ta bécane, en descend et monte à ton petit appartement, d’un pas décidé, sans même attendre la demoiselle et tu la laisse même se débrouiller avec ses affaires. Pourtant au départ, t’avais pas l’intention d’agir comme ça, mais son foutu baiser à tout foutu en l’air. Tu la fusilles du regard dès qu’elle passe enfin le pas de la porte et tu lui agrippes de manière assez appuyée, le bras. « Ne recommence plus jamais ça. » Pas besoin de plus d’explication, elle devrait avoir compris toute seule de quoi tu parles.

Tu n'arriveras jamais à le cerner, Shiloh. Tu n'arrives pas à le comprendre, et pourtant, tu es plutôt observatrice, comme nana. Mais lui, c'est un véritable mystère. Il peut être adorable pour se transformer, l'instant d'après, en véritable bourreau. Il te fait peur, quand son regard se durcit. Vraiment. Mais pourtant, tu continues à la voir, à penser à lui, constamment. T'es un peu amoureuse, peut être. T'es entrain de le devenir en tout cas. Tu aimes son côté doux, la façon dont il prends soin de toi, parfois.Tu as l'impression d'être importante, pour lui. Mais tu n'arrives pas à savoir s'il ressent la même chose. Ce soir, en tout cas, quand tu as vu ses yeux briller, en te regardant sur scène, tu as vraiment eu l'impression qu'il t'aimait bien. Alors en sortant, tu étais heureuse, Tori. Tu étais heureuse de le voir, de lui sourire même si ton sourire l'exaspère. Heureuse de le serrer contre toi, derrière lui, sur la moto. Heureuse de passer un moment avec lui, après quelques jours sans l'avoir vu. Il commençait à te manquer. Tu t'es dépêchée, une fois chez toi, pour ne pas le faire attendre trop longtemps car tu sais qu'il n'aime pas vraiment cela. Et tu arrives plutôt rapidement en bas. Tu le vois, adosser à sa moto, si beau, et l'envie soudaine de l’embrasser te titille les lèvres. Tu sais pourtant qu'il n'aime pas ça. Et quand il te rejette, tu ne devrais pas le prendre personnellement, tu fais comme si tu t'en fichais, d'ailleurs, mais ça te pince le cœur, plus que ça ne le devrait. Tu montes derrière lui, et ta poigne est plus légère, tu laisses de la distance, entre vous deux, alors qu'il vous conduit jusqu'à chez lui. Tu as presque envie de le lâcher, et de te laisser tomber en arrière. Peut être aurait-il peur pour toi ? Même pas sûr. Vous arrivez finalement chez lui et tu le suis sans réelle envie jusqu'à l'appartement. Tu n'es plus dans le mood et tu as juste envie d'aller te coucher. Mais quand tu entres dans l'appartement, il attrape ton poignet, et tu grimaces. Il a trop de force, Shiloh. Et il ne sait pas la gérer. Enfin, tu le penses. « Je voulais juste te remercier d'être venu me chercher. Je vois pas ce qu'il y a de mal à ça ! Je peux me casser si m'embrasser te répugne. » tu dis, la voix forte, le regard froid. Toi aussi, tu as mauvais caractère, et ce soir, tu n'as pas envie de te laisser marcher sur les pieds. Bien au contraire.