- elizabeth & matilda -
i gotta go my own way

étincelle aux iris, lippes démesurément écartées. voilà des grimaces auxquelles le visage de matilda n'était plus réellement habitué. deux jours qu'elle était dans cette état, sur un nuage ou une étoile filante, elle n'aurait su dire. sa vie servirait à quelque chose en fin de compte, elle se rendrait vraiment utile. elle allait enfin pouvoir s'occuper librement de lyssa, sa nièce, la lumière dans ses ténèbres habituelles. si elle avait toujours eu une sorte de mélancolie au cœur, il aurait été difficile de l'affirmer à cet instant, tant la joie qui émanait de ses sourires semblait contagieuse. revoir ruby avait cependant été difficile, sa grande sœur n'avait pas été d'une des plus grandes sympathies avec elle. elles avaient pourtant échangé la garde à l'amiable, sous présence juridique et avec consentement mutuel, du moins à ce qu'il y paraissait. ruby avait beau aimer sa fille, elle ne pouvait offrir une vie convenable à lyssa, et matilda se proposait donc de palier à ce problème. elle avait de l'argent et de l'amour à donner, après tout. ruby avait toujours été égoïste, et la voir mère avait toujours surpris matilda. d'ici une semaine, lyssa emménagerait officiellement avec elle, sous sa véritable tutelle. tout cela était encore assez flou pour elle, mais elle pouvait compter sur son amie et colocataire elizabeth. c'était elle qui lui avait soufflé à l'oreille d'engager une procédure légale pour ne pas être contrainte par la suite et pour offrir à sa nièce la vie rêvée. mais le karma se retournait contre elle : si elle accueillait lyssa, elle devait quitter elizabeth. leur colocation durait depuis quatre longues années, et chacune avait une routine qui n'avait jamais dérangé l'autre. elles s'entendaient très bien et ne s'étaient jamais disputées à propos de quoique ce soit concernant l'appartement ou ce qui tournait autour.
ce soir-là, matilda revenait donc d'une agence immobilière sous la pluie, et sans parapluie naturellement. elle avait une paperasse immense sous le bras qu'elle avait envie de jeter dans le caniveau. mais les papiers de son futur appartement demandaient du soin, même si la pluie actuellement semblait contre elle. elle revenait de l'appartement qu'elle allait sans doute acheter. rez-de-chaussée, grand et lumineux contre toute attente. elle avait déjà eu l'ébauche des futurs meubles qui habilleraient chaque pièce, et elle en frémissait d'avance. non pas que la déco chez elles ne lui convenait pas, mais avoir un appartement à elle seule lui permettrait de mettre les rideaux qui n'allaient pas du tout avec le reste du salon. puis lyssa l'aiderait à ajouter sa touche personnelle à l'appartement, étant donné qu'elle y aurait toute sa place. l'idée de partager sa vie avec lyssa enchantait réellement matilda, mais elle était également chagrinée de devoir annoncer à sa colocataire son départ imminent. être sa propre notaire allait accélérer considérablement la paperasse, et elle pensait même pouvoir partir d'ici une à deux semaines. restait-il à prévenir elizabeth...
« je suis rentrée! » annonça-t-elle en claquant la porte derrière elle. elle était trempée et s'empressa donc de retirer ses chaussures et ses chaussettes pour les mettre à sécher. elle posa ensuite toute la paperasse sur son bureau et rejoint sa colocataire qui était dans le canapé, distraite, aux côtés de sa fille. « bonne journée ? » demanda-t-elle, comme le rituel le voulait. elle s'installa sur le canapé d'en face. ne souhaitant pas non plus passer par quatre chemins, et de son honnêteté habituelle, matilda amena doucement le sujet qui lui brûlait les lèvres depuis tout le trajet du retour : « lizzie, faudra qu'on parle... » elle l'avait toujours appelée ainsi lorsque quelque chose la chagrinait ou que quelque chose d'important arrivait. de nature peu bavarde sur elle et ses sentiments, c'était une manière détournée de créer une alerte chez son amie. c'était difficile ; elle ne se sentait pas d'abandonner elizabeth et sa fille, qui s'était liée d'une amitié complice avec lyssa de neuf ans son aînée. ce n'était pas seulement une signature sur un bout de papier, c'était une véritable page qui se tournait.