tu zappes la fac de psycho' depuis des mois, gamine. et en attendant, tu erres ici et là. tantôt sur le canapé de l'appart' de ton frère, tantôt dans les rues de brighton éclairées ou pas. les journées défilent, se ressemblent et lui paraissent interminables. alors elle comprend que quand on manque d'occupation, on s'ennuie bien vite. seulement, elle n'a pas vraiment de solution de secours, la brune. si au moins elle savait ce qu'elle avait envie de faire, elle pourrait peut-être faire des recherches dans ce sens. mais on dit bien que quand rien ne va dans votre vie, rien ne va. et ce, sur tous les plans. tu sais même pas de quoi t'as envie. là maintenant, tout de suite. tu marches sans but précis, les mains dans les poches, regardant le monde qui t'entoure et qui continue de vivre sans te porter aucune attention. tu te sens transparente et ça te dérange. elle aimerait bien qu'on s'intéresse à elle parfois. mais qu'est-ce qu'elle pourrait bien avoir à offrir, la pauvre gamine ? elle ne possède rien dans son existence qui puisse éveiller un quelconque intérêt. elle soupire, ennuyée. et ses pas la guident vers ce musée qui semblait sorti de nulle part, elle ne l'avait jamais vu ici du moins. elle en avait vaguement entendu parler aux infos, pas plus. elle comprenait désormais que c'était un tout nouvel établissement qui éveillait la curiosité de ses semblables, contrairement à elle. des anglais ou des étrangers s'arrêtaient pour admirer l'architecture. et il y avait cet homme, muni de son appareil photo, qui semblait bombarder l'endroit. quelle drôle d'idée d'accumuler les clichés. comme à son habitude, elle ne fait pas de vieux os et elle décide de l'approcher pour en avoir le coeur net. la brune a compris depuis bien longtemps que si l'on cherchait des réponses, le moyen le plus simple de les obtenir restait d'aller les poser. excusez-moi, vous photographiez quoi ? la bâtisse ? capturer une fois ou deux quand un lieu est grandiose, ça se fait. mais au point où il en était, ça s'apparentait presque à de l'obsession. il se pourrait qu'elle tombe sur un maniaque, qu'elle pensait même. vous devez être un passionné pour en faire autant, qu'elle ajoute dans un léger rire, pour s'expliquer quelque peu sur sa curiosité qu'il serait en droit de juger déplacée. il n'aurait sûrement pas tort. parce qu'elle veut toujours tout savoir et ne rien payer, la petite fairchild.

les doigts se serrent autour de l'appareil, bientôt crispées par le froid qui s'installe sur brighton, mais côme ne s'empêcherait pour rien au monde de partir sur le terrain. le vent anesthésie le visage, comble les quelques parties du corps échappant à son cuir, le cou, les pommettes, l'ensemble de la peau se fige pour ne pas trembler. capturer l'instant parfait, le moment du mouvement précieux, celui qui transcrira le meilleur et les plus infimes détails représentatifs de la beauté du lieu. c'est de cette manière là qu'il travaille, payé à prendre le cliché idéal qui ornera l'article de la page 3, 4, et toutes celles qu'on lui commandera. le musée de brighton révèlera bientôt ses secrets à l'ensemble des habitants et comme toujours, il ne sera pas peu fier d'être à l'origine de cette ouverture au monde. ce qu'il préfère par dessus tout ? ces grands monuments à l'histoire passionnée, bâtis par les mains de l'homme et trop souvent oubliées par les yeux des jeunes opprimés par l'écran. le bouton se presse sous son index et déclenche le mécanisme, résonne alors le doux bruit de l'objectif, les cliquetis s'enchainent à une vitesse folle malgré le peu de mouvement qu'il opère. il attend quelques secondes avant de se redresser, obnubilé par l'envie que la première soit la bonne, comme à chaque fois même si ce n'est jamais le cas. c'est à ce moment que les souvenirs de milan décident de réapparaitre dans son esprit, des images lui rappelant son pays défilent, encore bien présentes dans ses souvenirs. dans un voile d'émotions contradictoires, côme se souvient de ces pierres pâles érigeant la ville, de ces lignes d'inspiration antique prouvant la grandeur de la belle italienne. il se demande un instant pourquoi être parti de ce pays si riche pour s'aventurer dans l'hiver du nord européen. pensées contradictoires alors qu'il s'émerveillait quelques secondes plus tôt sur la façade du monument anglais. les pieds ancrés dans le sol, stature droite et regard vissé sur l'écran de l'appareil, il reprend son travail initial avant d'être interrompu dans l'action. la tête se redresse alors, surplombant celui de cette inconnue amenée par hasard dans son champ de vision. il ne peut s'empêcher de sourire comme il le fait toujours, un sourire qui engage la conversation, celui qui dit que malgré l'interruption il n'est pas dérangé par la présence de l'autre. curieuse, côme écoute les questions s'enchainer, la prise de parole est audacieuse et mérite qu'on y enlève tous les doutes. en effet, je photographiais la façade pour écrire un article. malgré son air perplexe, il ne peut s'empêcher de décrypter les mots employés, les indiscrets pressant d'en savoir toujours plus. on va dire que j'aime mon travail, tu veux voir ? il tourne l'appareil, écran dirigé vers son interlocutrice pour faire défiler quelques photographies prisent dans la série. passionné, mais peut-être un peu maniaque aussi. un léger rire s'échappe de ses lèvres, l'accent italien se fait entoure dans chaque voyelle, et si le nombre de photos parait invraisemblable, sa façon de sélectionner est pourtant bien calculée.

tu te sens comme une étrangère à l'endroit où tes pas t'ont mené, gamine. t'as l'impression qu'on a changé la rue, bougé les boutiques ainsi que les monuments. en somme, t'es largué. dans ces moments-là, tout ce qu'elle sait faire reste de poser des questions. de celles qui l'éclaireront quelque peu, du moins l'espère-t-elle. complètement abasourdie du nombre de photos que l'homme enchaine, elle ne manque pas de le lui dire. il n'y a rien de méchant dans ses paroles, simplement de l'intérêt pour un acte qu'elle ne comprend pas forcément mais qu'elle ne dénigre pas pour autant. il est étrangement avenant ce type, ça la fait sourire. elle en avait côtoyé des êtres humains lors de ses longues balades, souvent en solitaire d'ailleurs. elle en avait même abordé certains. tous ne s'était pas montré aussi ouvert que cet homme-là, c'était plaisant. en effet, je photographiais la façade pour écrire un article. elle hoche la tête dans un premier temps, elle s'était révélée plutôt perspicace sur ce coup. on va dire que j'aime mon travail, tu veux voir ? elle prend aussitôt note du tutoiement qui la met encore plus à l'aise, la môme. s'approchant de l'inconnu, elle jette un oeil plein d'intérêt à l'appareil photos, où défilent déjà un tas de clichés. tant qu'elle n'aurait pas su les compter. passionné, mais peut-être un peu maniaque aussi. ces derniers propos lui arrachent un rire. elle n'avait pas pu passer à côté de cet état de fait. elle ne s'étonnait désormais plus de l'acharnement qu'il avait à capturer chaque détail de l'édifice. t'es vraiment doué, c'est impressionnant, qu'elle dit en relevant finalement le regard vers lui. tu serais presque subjuguée devant son travail. parce que t'y croyais pas vraiment de base, t'avais absolument rien de la fille convaincue. mais en observant le tout, tu te rends compte que chaque photo reflète un truc différent. ça te fascine qu'on puisse exprimer autant de visions variées en s'appuyant sur un modèle identique. ça fait longtemps que t'exerce ici ? enfin j'veux dire... t'as l'air d'avoir un accent alors j'pensais que tu devais pas être à brighton depuis très longtemps. elle s'égare sûrement un peu, la petite fairchild. mais son accent est tellement craquant qu'elle n'avait pas pu s'empêcher de poser cette question. pardon... j'suis peut-être indiscrète... elle se reprend presque aussitôt, la gosse. elle le connait à peine et elle se permet ces familiarités, en plus du tutoiement. pourquoi pas lui demander s'il était marié aussi, ça frôlait presque le ridicule.