elle aurait pu rester encore quelques heures, histoire de. mais daisy n'aimait pas attendre comme elle n'aimait pas faire attendre. il l'avait appelé à la dernière minute, certes, mais il s'agissait là d'un gros client. le client est roi à ce qu'il paraît. elle n'avait pas cherché à comprendre, il finançait en partie son exposition future, un ami de la famille et des toiles à récupérer. elle s'était alors mis au volant de sa voiture pour retrouver son chez soit. son joli loft encore en travaux mais tellement apaisant. elle avait finalement trouvé un endroit qui lui procurait des instants de paix. un vieil atelier qui n'avait plus le goût de rien. elle était tombée dessus, par hasard, en flânant le long de la jetée. la pancarte à vendre semblait démodée, comme si ce bien n'avait plus aucune valeur. elle se sentait un peu dans ce même état d'esprit alors lors de la visite ça a été un coup de foudre. comme si il l'avait attendu jusqu'à présent. elle n'a pas mis longtemps à signer les papiers. quelque part ça sonnait aussi, un peu, comme une délivrance. plus le besoin de vivre chez sa sœur qui avait tant donné jusqu'à ce jour. elle aurait enfin son espace à elle, une pièce où travailler, où étaler ses pinceaux et tout son bordel d'artiste. et merde. coup de frein brutal. dans cet envie incandescente de rentrer chez elle, daisy avait totalement oublié sa séance photo pour mettre en avant son travail. allo. oui c'est daisy walshe. j'avais rendez-vous avec l'un de vos photographes à la galerie mais j'ai eu un imprévu et je dois rentrer à mon atelier. serait-il possible plutôt de le faire venir à cette adresse 333 brighton sea side. c'est un grand loft type industriel. on ne peut pas se tromper [...] d'accord c'est parfait merci. une épine en moins et en un coup de fil, tout été arrangé. respiration profonde, la tête qui bascule contre le siège. regard perdu dans le vide un instant comme pour reprendre ses esprits avant de reprendre sa route.

tout se déroule rapidement lorsqu'elle franchie la barrière qui la mène à son domicile. monsieur stevenson. vague de politesse pour combler le silence. je vous en prie, suivez moi, elles sont dans l'atelier. dévoilement des œuvres avec fierté, des heures de travail acharné. mais le sourire du client lui suffit. après tout elle le fait avant tout pour les autres. enfin c'est ce qu'elle se plait à dire pour la forme. dans le fond c'est un plaisir égoïste qui lui apporte ce que tant d'autres ne sauraient faire. magnifique. et ce sont ses lèvres qui s'étirent à leur tour, rendant un sourire éclatant à son interlocuteur. encore quelques mots échangés, l'interrogation au sujet des dates encore non définies. un café ? un refus et un au revoir. alors daisy souffle enfin, comme si cette journée était interminable. tant pis pour le café en solitaire mais la tentation d'en prendre un face à la mer qui roule sur le sable est trop grande. le bruit de la vieille cafetière italienne à un certain charme au milieu de tous les ustensiles de cuisine. le café noir parfume à peine ses lèvres que l'on sonne déjà à la porte. j'arrive. la paume qui s'enroule autours de la poignée et la porte qui s’entrouvre. un regard. un silence. un battement raté.

Le réveil est éprouvant, de ceux qui amorcent une furieuse envie de rester coucher toute la journée. La migraine l’accompagne dans ce combat contre son corps entier, il bougonne intérieurement d’avoir terminé la soirée de la veille de cette manière. Pourquoi avait-il fallut qu’il se laisse entrainer dans les rues de la ville un soir en pleine semaine ? il se trouve parfois trop influençable, souvent trop imbibé par la douceur de vivre et la volonté de profiter à sa manière. Sûrement pas de la bonne façon, car il sait qu’il a un rendez-vous important plus tard dans la journée, un horaire précis, un client à rencontrer, mais surtout la mairie à contenter. Aucun geste n’est évident ce matin, il prie pour que le cachet qu’il ingurgite au levé devienne son sauveur inanimé, souhaite qu’une force surhumaine lui donne un remède pour oublier et gagner contre la gueule de bois. Pas si simple et pour le moment rien ne semble fonctionner.
Un café, une douche et il y voit déjà plus clair, une paire de lunettes enfilée et les yeux de nouveau rivés sur l’écran de son téléphone. Mécaniquement, il souhaite ne rien y trouver de la veille, enchaine sur son planning pour y vérifier l’heure et le lieu avant d’être intercepter par un coup de fil du chef de rédaction. « oui, oui, un changement du lieu de rendez-vous ? ouais, ok [….] merci, bonne journée » remarque inapproprié au vu de l’heure tardive, un bonne fin de journée aurait été préférable, mais il mettra cette bavure sur le compte d’une erreur de coutume probablement. Il lui reste un peu de temps finalement, assez pour allumer son ordinateur et y continuer les dernières retouches pour son article de demain. Rassuré d’être dans les temps pour quelque chose, son attention termine une fois de plus par s’égarer sur son téléphone, pianotant quelques mots envoyés à un collègue de travail.

Il est l’heure, la migraine est passée miraculeusement, il se promet tout de même de se coucher tôt aujourd’hui. La liste de matériel complète, il charge son sac à dos rempli sur son dos après s’être habillé et quitte l’appartement.  La route semble s’éterniser car il ne connait pas l’endroit, le deux-roues dévale l’asphalte et finit par se garer devant un bâtiment assez atypique, orné par la mer à son bord. L’endroit respire l’apaisement, son casque retiré, Côme prend quelques secondes pour admirer la vue, quoi de plus inspirant. Il finit par se raisonner et avancer vers la porte d’entrée, chargé de tout son attirail, il frappe sans se douter de la surprise qui l’attends. Ce visage lorsque la porte s’ouvre, ses yeux qui l’accueil dans une surprise immense, il les reçoit comme un présent. Sa respiration se bloque un dixième de seconde, juste le temps de réaliser qu’il s’agit bien de Daisy sur ce palier et c’est son cœur qui sourit sans qu’il ne s’en rende compte. Alors c’est sa bouche qui le fait, sourire, remarquant l’étonnement dans l’expression de la jeune femme, il garde la force de prendre les devants en rétablissant une situation sans malaise. « Ça me fait plaisir de te voir Daisy » Il ne semble pas réaliser tout de suite que le sujet de l’article portera sur son travail, pourquoi ne s’en est-il pas douté avant ? Il s’en voudrait presque de ne pas avoir fait le rapprochement. « Tu me fais entrer ? » après tout, il est là pour travailler, et sa présence est plus qu’appréciable.