- don't blame me, love made me crazy -
Nash Kershaw, Ariadne Leister, Lula Goldstein

Le petit bar commençait à se remplir, à mesure où les nerfs de Lula commençait à se faire sentir. Elle n'était pas anxieuse, pas d'habitude. Elle avait fait tous les bars de la ville, elle avait chanté quasiment toutes les chansons de son répertoire, et ce n'était même pas la première fois qu'elle montait sur la petite scène de ce bar. Mais étrangement, cette soirée était différente, pour elle. Et la petite blonde le savait bien, elle n'aurait jamais été aussi stressé s'il n'avait pas été dans l'assistance. Nash. Leur histoire se concrétisait, petit à petit, et lui faisait complètement perdre la tête. Les minutes passaient, et Lula était quasiment prête à prendre le micro, pour une petite heure seulement, mais c'était assez pour chanter une dizaine de ces mélodies. Venant se mettre devant le micro, sa guitare en place pour l'accompagner à travers ce nouveau petit concert, elle regarda l'assistance assez rapidement, à la recherche des yeux bleus de celui qui faisaient battre son coeur. — Bonsoir, je suis Lula Goldstein, et j'espère que mes chansons vous plairont. — annonça-t-elle, se présenta rapidement, avant de sourire aux quelques applaudissements qui se firent entendre. Elle n'avait pas encore vu Nash, mais avec un peu d'espoir, il finirait bien par arriver. La musicienne commença à jouer l'une de ses compositions, sa voix douce se lançant alors dans ses paroles, ces histoires qu'elle aimait tant raconter au public devant elle. À nouveau, elle retrouvait la scène, en oubliant presque la façon dont la présence de Nash la rendait nerveuse quelques minutes au paravant. Mais malgré tout, alors qu'elle chantait, ses yeux ne cessèrent de chercher l'homme dans la foule.

Adosser contre le mur extérieur du bar où il avait prévu de passer une bonne partie de sa soirée, Nash regarda son téléphone avec une impatience qui ne lui ressemblait guère. Certains de ses amis avaient pourtant jurer qu’il serait là à l’heure pour venir prendre un verre avec lui. Mais à mesure que le temps passait, il se devait de constater que ces copains se faisait sérieusement désirer. Peu enclin à les attendre indéfiniment, il s’engouffra finalement à l’intérieur, juste à temps pour entendre Lula se présenter, alors qu’elle prenait la scène d’assaut pour présenter quelques-unes de ses chansons. La véritable raison de sa présence ici, c’était elle. Il le lui avait promis, et comme à son habitude, il tenait ses promesses. Se faufilant jusqu’à une table non loin de la petite scène, il attendit que le regard de sa belle croisse le sien pour lui sourire amoureusement, alors que ses yeux brillaient de fierté pour la musicienne qu’elle était. Il y avait même un peu du sien dans cette prestation, car à une époque qui lui paraissait lointaine, désormais, il lui avait tout appris de cet instrument qu’il maitrisait.  Un serveur passa à ses côtés et il commanda une bière, alors qu’il se délestait de son manteau qui posa sur le dossier de la chaise avant de s’installer confortablement, près à tendre l’oreille pour se délecter des mélodies de celle qui faisait le faisait vibrer tout entier. Leur relation n’était encore qu’à ses débuts, et les deux vivaient ce petit bonheur d’une façon bien personnelle, évitant encore de s’afficher, ne serait-ce que pour conserver cette intimité qu’ils partageaient désormais un peu plus longtemps rien que pour eux deux. La voix de Lula resonna bientôt dans le bar, et Nash ne détacha pas son regard de cette dernière, appréciant de la voir ainsi de donner pour ce métier dont elle avait si longtemps rêver. Elle était clairement à sa place, sur cette scène, et pendant un court moment, le jeune homme lui envia cette chance, à laquelle il avait lui-même dû renoncer. Mais il chassa bien vite cette ombre de ses pensées.

Ça faisait un moment qu’Ariadne ne s’était pas rendue dans un bar à Brighton. Faut dire qu’avec son boulot, elle n’a que trop peu de temps pour elle. Mais cette soirée, elle voulait absolument y participer. Elle avait vu les affiches dans la ville, annonçant le concert d’une certaine Lula Goldstein. Et pour Ariadne, ce nom ne lui avait pas si inconnu. Elle savait que son meilleur ami connaissait cette fille. Elle savait Aria qu’il lui avait donné dans son enfance des cours de guitare. Mais jamais elle n’avait eu la chance de voir à quoi elle ressemblait, alors que Nash ne cessait de vanter ses talents. Elle avait donc tout fait pour participer à cette soirée. Peut-être n’était-ce pas une si bonne idée que ça, mais ça lui important peu. Car après tout, il ne se passe rien entre eux. Du moins aux dernières nouvelles. C’est donc seule, vêtue d’un long manteau noir retombant sur des jambes nues, qu’elle se rendit au bar. Certes, sa tenue n’était pas adéquate pour ce genre d’endroit, mais elle s’en contrefichait Aria. Elle poussa donc la porte et fut surprise de voir que le concert n’avait pas encore commencé. Un sourire narquois se dessina sur son visage. Déjà, cette gamine ne sait même pas être à l’heure. Et c’est les mains dans les poches de son manteau qu’elle se dirigea vers le bar, avant que son regard ne tombe sur une tête qu’elle ne connaissait que trop bien. — Nash, quel plaisir. Elle déposa ses lèvres sur sa joue, afin de le saluer. D’un geste vif, elle fit tomber son manteau sur ses bras avant de le retirer et de dévoiler sa tenue légèrement provocante. — Comment vas-tu ? Elle déposa sa veste sur le tabouret à ses côtés, appelant par la même occasion la serveuse.

Lula ne tarda pas à commencer à sa chanter ses douces mélodies, ses mots qu'elle avait écrits elle-même, offrant une partie de qui elle était à ce public dont elle ne connaissait rien. Mais elle qui, d'habitude, aimer regarder le public simplement à la recherche de quelqu'un qui la regarderait et l'écouterait, cherchait cette fois quelqu'un de bien particulier. Son regard observait la foule, à la recherche de ce visage, celui qui la rendait folle d'amour depuis quelques semaines, alors qu'elle tentait de se contrôler. Il avait dit qu'il viendrait, elle n'en doutait pas. Elle attaquait simplement son deuxième couplet lorsque son regard rencontra enfin celui de Nash, assit au devant de la scène, les yeux rivés sur elle. Son sourire s'élargit automatiquement, mais elle ne cessa de chanter, avec un peu plus d'âme, un peu plus de bonheur, juste parce qu'il était là. Il était là pour elle. Sa chanson se fini, et très vite Lula en attaqua une autre, détournant le regard du garçon dont elle rêvait presque toutes les nuits l'espace de quelques secondes seulement. Mais quand elle releva les yeux, c'est sur une jolie brune qu'elle tomba. Grande, élancée. Belle. Habillée d'une façon que Lula n'oserait jamais. Mais ça lui allait bien, et la musicienne en fut légèrement jalouse. Elle n'avait clairement pas la classe ou le corps de cette femme. Et sa jalousie ne fit qu'accroitre lorsqu'elle vit la femme s'asseoir avec Nash. Ne sois pas idiote, Lula. Il peut avoir des amies. T'as plus quinze ans. Elle tentait de se rassurer, la gamine, parce qu'elle savait bien qu'il n'y avait rien de plus laid que la jalousie. Et si leur histoire démarrait à peine, elle n'allait pas l'anéantir simplement parce que l'homme était en bonne compagnie. C'était malgré tout pour elle, qu'il était là. Du moins, elle le pensait. Tentant de se concentrer sur ses mots et ses chansons, elle eu malgré tout du mal à détourner le regard du spectacle qui s'offrait juste devant ses yeux, de Nash avec cette inconnue bien plus élégante qu'elle.

Ses amis pouvaient bien lui fausser compagnie, pour le moment, Nash ne s’en préoccupait guère. Cette soirée, il la consacrerait entièrement à Lula, et son attention se tournerait vers elle, et personne d’autres. Et cette fois, il avait bien l’intention d’en savourer les moindres nuances, de ses accords aux mots qu’elle employait, en passant par le timbre de sa voix et les mélodies qu’elle avait créée du bout de ses dix doigts. La prestation commençait à peine lorsqu’il entendit une voix des plus familières l’interpelés. Et avant même qu’il puisse réagir, il sentit qu’un baiser était déposé sur l’une de ses joues. Son regard se détourna de Lula pour croiser celui d’Ariadne, sa meilleure amie, qui venait de s’inviter à sa table. Un large sourire étira ses lèvres : il y avait longtemps qu’il ne l’avait pas vu. – Plaisir partagée, beauté. – qu’il lui mentionna, heureux de la voir là. La belle se débarrassa de son manteau pour laisser apparaitre une tenue qui risquait de faire tourner bien des têtes, dans le bar. Les garçons de la table d’à côté, d’ailleurs, ne manquait pas d’observer la nouvelle venue et Nash leur lança un regard noir, assez pour qu’ils retournent à leurs discussions. – Je me porte à merveille, et toi? Je ne savais pas que tu étais en ville, tu aurais dû m’appeler! – se plaignit-il à la jeune femme avec qui il avait tant partagé. Alors qu’elle se commençait à boire, Nash bifurqua du regard vers la petite scène où sa belle s’était installée, et il sentit que quelque chose avait changer. Le regard de la jeune musicienne était braqué sur eux, et Nash s’inquiéta de voir ce semblant de panique naître dans le creux de son regard. Était-ce sa seule présence qui lui insufflait cette nervosité, ou la présence d’Ariadne à ses côtés qui l’inquiétait, il n’aurait pu le deviner. Il tenta toutefois de lui sourire, se voulant réconfortant, afin de rassurer la jeune femme, peu importe la crainte qui l’habitait. – Quel bon vent t’amène ici? Et dans ce bar, d’ailleurs? Ce n’est pas dans tes habitudes. – demanda-t-il en se détournant pour poser son regard sur la brunette à ses côtés, tout en gardant un œil discret sur la jeune femme qui faisait battre son cœur plus que quiconque.

Ariadne n’avait pas vraiment l’habitude de se retrouver dans ce genre de bar. A Londres, elle avait toujours préféré les clubs et bar plus lounge que ce bar pittoresque. Mais quand elle avait vu les affiches placardées sur les vitrines de certains magasins, elle n’avait pas hésité une seule seconde. Elle n’était à Brighton que depuis quelques jours, mais elle savait très bien où elle allait mettre les pieds. Car ce bar, ils avaient parfois l’habitude d’y aller, quand Nash et Ariadne se trouvaient à Brighton avant de partir pour la capitale britannique. Aria était entrée alors que le concert n’avait pas encore commencé. Et il lui a seulement suffi de quelques minutes pour apercevoir Nash. Elle était persuadée de le trouver ici. Car Ariadne savait que la chanteuse et son meilleur ami se connaissaient. Seulement, sa vie à Londres l’avait un peu éloigné de lui et elle ne se doutait pas des nombreuses choses qui avaient changé entre lui et cette gamine. Et alors qu’elle entendit la jeune fille chanter, elle avait salué Nash avant de prendre place à ses côtés. — J’avais envie de te faire la surprise. Un doux sourire pris place sur son visage, l’illuminant en même temps. Elle jeta une mèche de cheveux en arrière. Toute son attention se portait sur Nash. Comme toujours. Et sa question ne l’étonnait même pas. — Pour tout te dire, j’avais envie de voir ce que veut ton ancienne élève. C’est bien elle, c’est ça ? Elle désigna la chanteuse d’un signe de tête, alors que celle-ci ne les quittait pas. Ariadne profita de son regard pour se rapprocher légèrement de Nash, un regard narquois l’habitant. — Et puis je savais que j’allais te trouver ici. Après tout, on venait souvent avant. La serveuse arriva à sa hauteur et détourna son attention. Elle posa son regard se posa sur l’homme à se droite. — Tu veux quoi ? Elle avait un instant regretté d’être venue, mais peut-être que la soirée allait s’annoncer plus intéressante que ce qu’elle n’avait pensé.

Chaque mot qu'elle avait prévu de dire, chaque chanson qu'elle voulait chanter, ce soir là, c'était pour lui. Elle en avait écrit un peu trop, des chansons, depuis que leur relation s'était transformé en un peu plus que de l'amitié. Jamais vraiment capable de lui dire en face à quel point elle tenait à lui, déjà, c'était par des chansons qu'elle avait décidé de le lui faire savoir. Mais voir Nash avec cette fille la rendait simplement malade. Elle tentait de se retenir, de rester calme. Cette sensation de jalousie, elle n'y était pas habitué, et elle ne voulait pas que ça devienne une habitude. Ils avaient pourtant l'air de bien se connaitre, de bien s'entendre. Si elle ne connaissait pas Nash, elle en aurait rapidement déduit que la brune, c'était sa copine. Mais non, elle savait que non. La petite blonde croisa à nouveau le regard de Nash, son sourire si doux, qui aurait pu lui faire perdre la tête dans d'autres circonstances. Elle détourna doucement le regard, les joues tournant rapidement au rouge, un peu honteuse de la façon dont elle les observait depuis sûrement un peu trop longtemps. Elle en avait presque perdu le fil de son concert. Se prenant une seconde pour se reconcentrer, Lula décida de changer son programme, chose qu'elle ne faisait pourtant jamais, et au lieu d'une de ses compositions, c'est une chanson de Noël qu'elle voulu chanter. C'était l'occasion parfaite, à quelques jours seulement de ce jour tant attendu, alors que la neige tombait depuis le début de la journée. La première qui lui passa par la tête fut Christmases When You Were Mine, et elle commença les premiers accords avant de regretter ce choix plutôt triste. Mais la brunette lui lança un regard avant de se rapprocher un peu plus de Nash, et Lula n'avait pas le coeur de chanter une chanson plus joyeuse que ça. Sans trop savoir pourquoi, elle pouvait sentir un pincement dans son coeur à chaque fois qu'elle voyait l'homme regarder cette inconnue bien plus belle qu'elle. Peut-être s'était-elle plus attaché à lui qu'elle ne l'aurait cru, mais ce soir-là, elle le regrettait un peu. Son regard tenta de vagabonder dans la pièce, de se concentrer sur son art, pas sur ce duo, ce couple qui la rendait malade. Mais malgré tout, elle ne cessait de revenir à eux, les regarder encore et toujours, son coeur se serrant un peu plus à chaque fois.

Définitivement, pour lui faire une surprise, Ariadne avait plutôt bien réussi son coup.  Jamais ne lui était venu à l’esprit qu’elle était rentrée à Brighton, et encore moins qu’elle viendrait dans ce bar, ce soir, justement, alors qu’il s’y trouvait aussi. Elle le dévorait littéralement du regard, comme elle avait toujours eu l’habitude de le faire, mais pour la première fois, Nash sentit un léger malaise s’ancrer en lui, mais il n’y preta pas plus attention. Elle lui avoua finalement le prétexte derrière sa présence en ces lieux, et l’azur de ses yeux se porta à nouveau sur la musicienne qui trônait de toute sa splendeur sur la minuscule scène, qui faisait plutôt office de piédestal, quand on y regardait bien. Lula ne semblait guère se soucier de l’endroit où elle performait, du moment qu’elle pouvait s’exprimer de par ses chansons. Par contre, elle semblait troubler, la belle, et le petit ami qu’il était ne pouvait s’empêcher de s’en inquiéter, surtout lorsqu’elle changea subitement son répertoire pour entamer une chanson de Noël aux teintes mélancoliques. – Oui, c’est bien elle. – répondit-il toutefois à sa meilleure amie, un sourire des plus énigmatiques au visage. Il ne remarqua pas les gestes de celle-ci pour se rapprocher jusqu’à ce qu’il détourne son regard de Lula pour croiser le sien, beaucoup plus près qu’auparavant. Involontairement, il eut un léger mouvement de recul, se sentait légèrement piégé par celle qu’il considérait presque comme une sœur, même si leur relation avait largement dépassé ce stade, par le passé. Et un passé pas si lointain, quand on y pensait bien. Elle lui demanda ce qu’il voulait boire, et Nash passa sa commande, sans trop se compliquer la vie. – Une bière, s’il vous plait. Non, en fait, apportez en deux. Merci. – Puis, jetant un coup d’œil à la brunette à ses côtés, il lui renvoya la balle. – C'est moi qui invite, tu prendras quoi? Je ne connais plus tellement tes goûts de luxe, je préfère te laisser choisir. – mentionna-t-il, en esquissant un léger sourire. Peut-être avait-elle cru pendant un instant que cette seconde boisson était pour elle, mais Nash la réservait plutôt pour sa chanteuse favorite, qui entamait ses dernières chansons et qui bientôt viendrait le rejoindre à sa table. – Lula viendra nous rejoindre après son set, si ça ne te dérange pas. – C’est ce qu’ils avaient prévus, avant sa performance de ce soir, où elle aurait dû rencontrer certains de ses amis. La femme à ses côtés ignorait encore le lien qui unissait l’ancien professeur de musique et son élève, et sans trop savoir pourquoi, le Kershaw redoutait sa réaction.  Elle avait toujours eu cette habitude d’être trop possessive à son égard, et cette nouvelle ne risquait pas de l’emballer, même s’il aurait nettement préféré qu’elle se réjouisse pour lui. Mieux valait-il aborder le sujet avant que la jeune fille ne vienne les rejoindre. Ce serait beaucoup plus sage. – Tu pourrais faire plus ample connaissance avec celle qui a ravit mon cœur. – lacha-t-il finalement, jaugeant du regard sa voisine, avant de retourner à la chasse de celui appartement à Lula, qui tentait nerveusement d’éviter le sien. Ses sourcils s’arquèrent et son front se marqua de plis alors qu’il cherchait à comprendre ce soudain besoin de fuite de sa part. L’attitude de son être aimée éveillait certaines craintes dans son for intérieur, et il sentit son myocarde sur le point de s’emporter. Mais cet état de panique n’était qu’interne, et à la surface, rien n’y paraissait.

Ariadne était heureuse de revoir Nash. Ça faisait longtemps qu’ils ne s’étaient pas vus, et ça lui faisait un bien fou. Il est son meilleur ami depuis des années maintenant. Et il s’est passé beaucoup de choses entre eux. Leur amitié est parfois allée plus loin. Et même si ça n’a jamais été important pour lui, puis Ariadne, ce n’était pas rien. Jamais elle n’a eu envie de briser leur amitié, alors elle a toujours fait comme si de rien n’était. Et elle s’est contentée de l’aimer en silence. Mais à le voir regarder cette gamine sur la scène, Aria compris. Elle fronça les sourcils. Jamais il ne l’a regardé de cette façon, jamais il n’a eu ce sourire envers elle. Instinctivement, elle se rapprocha encore un peu plus de lui, faisant comme si de rien n’était. — Vous pouvez me mettre une bière aussi. Dit-elle sans même lever le regard vers le serveur, un léger ton hautain dans sa voix. Elle ne le faisait pas exprès, la Leister. Et plus les minutes passaient, plus elle finissait par se dire qu’elle aurait peut-être dû rester chez elle. — Arrête un peu, je n’ai pas des goûts de luxe. Elle rigola et poussa amicalement l’épaule Nash. Bien entendu qu’elle avait des goûts de luxe Ariadne. En naissant dans une famille comme celle des Leister, elle n’avait pas eu d’autres choix que d’accepter ce mode de vie qui, en fin de compte, lui convenait bien. Elle ne se verrait pas vivre autrement. Mais Ariadne n’avait pas oublié ses habitudes de Brighton, et une bonne bière comme à l’ancienne n’allait pas lui faire de mal. Nash finit par lui annoncer que la dénommée Lula allait les rejoindre après son show et surtout, qu’elle était celle qui ravivait son coeur. Ça lui fit un choc, et cette phrase résonna en boucle dans sa tête. Alors Nash était en couple. Avec cette jeune fille visiblement plus jeune que lui, plus gamine, plus .. Ariadne n’arrivait pas à comprendre. — Pas de problème, je me réjouis de rencontrer cette demoiselle. Elle haussa les épaules quand le serveur leur apporta leur bière. — Au bon vieux temps ! Elle leva sa bière en direction de Nash avant d’en boire une longue gorgée. Elle n’avait maintenant qu’une envie, c’était de prendre ses jambes à son cou.

Ce spectacle déplaisant semblait s'étendre dans le temps, comme si les secondes étaient devenues minutes, et les minutes heures. Elle n'en voyait plus la fin. La brune et Nash, toujours plus prêt l'un de l'autre, qui semblaient profiter, mais pas forcément de son show. Elle ne manquait malgré tout pas les regards et les sourires de l'homme, toujours très honnêtes, mais qu'elle tentait d'éviter autant qu'elle le pouvait. Elle se sentait bien idiote, complètement gamine, à l'idée de faire une crise de jalousie simplement parce qu'il était avec cette femme. Les choses se comprenaient bien, pourtant, de son point de vue. Elle, la gamine avec ses chansons ridicules, incapables de tenir sur des talons, encore moins d'entrer dans une robe si aguichante. Et l'inconnue, magnifique en tout point, qui faisait tourner les yeux à tous les hommes de la salle. Peut-être pas tous, mais Lula ne s'en rendait pas compte. Nash ne semblait pas sensible à la brunette, mais elle était loin de s'en rendre compte, la musicienne, bien trop aveuglée par la proximité et la complicité de ce nouveau duo juste devant elle. Les quelques derniers accords de la chanson arrivèrent, et Lula se força à sourire doucement, bien plus timidement qu'à son habitude. Elle était là pour le boulot, elle ne pouvait pas l'oublier. Et si son set était maintenant fini, ce n'était pas une raison pour être désagréable avec le public malgré tout. Quelques applaudissements se firent entendre, bien qu'elle n'y prêtait plus vraiment attention. — Merci beaucoup, — remercia-t-elle le public, malgré tout, avec un nouveau sourire. — Passez une bonne fin de soirée. — Tout le monde avait déjà reprit ses habitudes, ses conversations, ne prêtant plus guère attention à la jeune femme sur la scenette. Retirant sa guitare, elle la posa sur son pied. Elle réfléchit rapidement, entre les différents choix qui se présentaient à présent à elle, les scénarios défilants dans sa tête. Rejoindre Nash et Miss Parfaite autour d'une bière, la regarder le bouffer des yeux encore longtemps, alors qu'ils parleront d'elle ne savait trop quoi ? Après tout, elle ne savait rien sur cette fille, encore moins sur leur relation. Hors de question de tenir la chandelle alors que c'était elle, la petite amie. À ce qu'elle en savait. Elle ne savait pas trop si c'était la peur, la colère, la panique, mais Lula attrapa sa veste et son écharpe, les enfilant aussi rapidement que possible, avant de se diriger vers la porte du bar d'un pas décidé, avant que Nash ne puisse l'appeler ou la retenir. Elle regretterait cette décision, mais c'était bien la seule qu'elle était capable de prendre, face à cette histoire. Elle ne tarda pas à rejoindre le froid de la nuit hivernale à l'extérieur, le visage bien moins lumineux qu'à son habitude, les yeux brillants des larmes qu'elle devait tenter de retenir. Elle n'allait pas pleurer pour un homme, elle avait cessé ses conneries il y a bien longtemps, Lula.

Nash ne pouvait pas oublier ce qu’il avait partagée avec Ariadne, ce passé commun qui n’avait de cesse de les ramener l’un vers l’autre et qu’on prénommait amitié. Elle lui était précieuse, la Leister, et même s’il s’abandonna quelques fois dans ses bras, jamais n’y eut-il plus que de l’affection dans son regard. Il l’aimait, oui, mais pas à la façon dont il aimait Lula. Il y avait une véritable attraction entre la chanteuse et l’ancien musicien, chose qu’il ne partageait pas avec la jolie brune à ses côtés. Ariadne était belle, et elle le savait, mais elle n’était pas elle. Il se devait d’être franc jeu, et de mettre carte sur table avant qu’elle ne cause un scandale, avant qu’elle ne s’approprie son corps comme elle avait toujours eu l’usage de faire, comme s’il lui appartenait, comme s’il était sien. Ces vieilles coutumes devaient cesser et Nash mentionna la raison pour laquelle il n’avait d’yeux que pour la jeune artiste qui occupait la petite scène, dans un des coins de cette salle.  Le ton ironique avec lequel elle lui répondit ne le surprit pas. On n’arrachait pas à Ariadne Leister son joujou favori sans en subir les conséquences. – Fait pas ta mauvaise, laisse-lui une chance. – la sermonna-t-il sur un ton plus aérien, cherchant à alléger l’atmosphère. Elle attrapa sa bière, que le serveur venait de porter à leur table, et trinqua au bon vieux temps, et Nash leva les yeux au ciel, avant de cogner sa bouteille à la sienne et d’en prendre une gorgée. Les derniers accords de guitare résonnèrent à ses oreilles, et il libéra ses mains afin d’applaudir la musicienne, avec une fierté non-dissimulée. Elle offrir son plus beau sourire au public, et pour un court instant, il eut l’impression de l’avoir retrouvé. Mais il y avait quelque chose de faux, dans son regard, et Nash ne comprenait toujours pourquoi. Se retournant vers Ariadne pour lui indiquer son intention d’aller donner un coup de main à sa belle pour le démontage, il eut à peine le temps d’ouvrir la bouche qu’une tornade blonde passa à ses côtés, filant vers l’extérieur sans se retourner. – Lula! – appela-t-il, mais la jeune fille ne l’entendit pas. Attrapant à son tour son manteau qui trainait sur le dossier de sa chaise, il eut un regard pour son amie. – Désolé Ariadne, mais je dois y aller. – Il déposa rapidement une bise sur sa joue, puis, se faufilant du mieux qu’il le peut entre les clients qui venaient de s’engouffrer dans le bar, et il réussit à atteindre la sortie et à retrouver l’obscurité de la nuit qui était, depuis un moment, tombé. Son regard scruta rapidement les environs avant de la repérer, et il accéléra le pas pour la rattraper. Ce n’est que lorsqu’il fut à sa hauteur qu’il lui attrapa le bras, en douceur, pour ne pas la brusquer. Son regard brillait et le cœur de Nash se serra de la voir ainsi. – Lula, je t’en prie… dis-moi ce qui se passe. – Il tenta de scruter, à travers son regard, pour trouver des réponses à ses questions, mais il n’y trouva que de la peur, de l’inquiétude. Et il comprit. Il comprit, car il commençait à la connaître, la jolie Goldstein. – C’est à cause d’elle, n’est-ce-pas? – Elle n’avait même pas besoin de lui répondre, il avait saisi. Secouant légèrement la tête de gauche à droite en soupirant, il attira un peu plus vers lui sa petite amie, à la fois pour la réchauffer, mais aussi pour la rassurer. – Ariadne est ma meilleure amie. Il n’y a rien de plus, entre elle et moi. – se sentit-il le besoin de lui dire, et sa sincérité perçait au travers de sa voix. L’une de ses mains se glissa sous le menton de la jeune fille, l’obligeant ainsi à le regarder, alors que ses yeux s’ancraient dans les siens. – Tu es la seule qui a su capturer mon cœur, Lula. – Il n’avait laissé personne s’en approcher depuis le départ de Willa, et à son contact, cette barrière qu’il avait érigé tout autour de son palpitant s’était effrité jusqu’à être réduite en poussières. – Et c’est toi que j’aime. – Ces mots lui avaient échappés, mais il ne regretta pas de les avoir prononcées. Elle méritait de savoir. De connaître le fond de sa pensée. – Je t’aime, Lula Goldstein. – répéta-t-il, afin qu'elle s’imprègne de ses mots.

Le concert se poursuivait et touchait doucement à sa fin. Ariadne n’y prêtait pas attention, contrairement à Nash qui n’avait d’yeux que pour la chanteuse. Et ça la rendait jalouse, la Leister. Elle était verte de rage. Elle en voulait à Nash de lui avoir caché sa relation, elle lui en voulait de l’abandonner de la sorte après ce qu’ils ont vécu. Elle se souvient des nombreuses nuits à ses côtés, des draps souillés de leurs folles nuits agitées. Mais au fond, malgré que ces moments comptaient pour elle, Ariadne n’est resté que dans la friendzone, elle ne reste qu’aux yeux de Nash la bonne copine. Celle qu’on saute une fois de temps en temps quand l’envie nous prend. Peut-être aurait-elle dû lui dire ce qu’elle ressentait. Mais à présent, ça ne comptait plus. Car il regardait cette chanteuse de la même façon qu’Aria le regard lui. Jamais elle n’avait vu ce regard chez Nash quand il la regardait. Peut-être devait-elle finir par se résoudre au fait que leur relation n’évoluera jamais dans le sens qu’elle le voudrait. — Hey, je ne suis pas un monstre hein ! lui dit-elle en le poussant à nouveau légèrement. Ariadne n’était pas méchante. Enfin, ça dépendait des personnes. Elle se contenterait simplement de dire qu’elle et Lula ne seront jamais amies. Doucement, Lula mit fin au concert, saluant la foule avant de prendre la fuite. Ariadne l’avait regardée passer à côté de leur table tout en buvant quelques gorgées de sa bière. Et alors qu’elle s’apprêtait à prendre la parole, Nash se leva précipitamment, s’excusa et lui déposa un baiser sur la joue avant de suivre sa petite-amie dehors dans la pénombre. Elle écarquilla les yeux, essayant de comprendre ce qui venait de sa passer. Un long soupir s’échappa de sa bouche. Elle resta quelques minutes assise à leur table. Seule. Elle finit sa bière d’une traite avant de reprendre ses affaires et de se lever. Certains regards masculins et malsains se posèrent sur elle, mais elle n’en avait que faire Ariadne. Son meilleur ami venait de la planter là, tout ça à cause des caprices de la jeune chanteuse. Faisant claquer ses talons sur le sol imbibé d’alcool, elle poussa la porte. Le froid la prend par surprise. Et alors qu’elle ajuste sa veste sur son dos, elle les voit. Nash, Lula, l’un en face de l’autre. Elle n’avait pas voulu faire sa curieuse la Leister, mais elle avait pourtant entendu les dernières phrases de Nash. Et c’est sans même les regarder qu’elle passa derrière eux, le coeur brisé.

Le froid lui piqua rapidement les joues, dès qu’elle fut dehors. Les bras croisés sur sa poitrine, elle regretta un instant son geste. Puis elle chassa ce regret. Hors de question qu’elle s’assied à leur table pour faire ami-ami. Elle ne pouvait même pas l’imaginer. Elle avait vaguement entendu Nash dire son nom, alors qu’elle sortait de la pièce. Au moins, il s’était rendu compte de son départ. La blonde savait bien qu’il ne le faisait pas pour l’énerver. Nash n’avait pas un fond méchant, elle n’avait jamais douté de ça. Sa gentillesse, il l’avait prouvé plus d’une fois, depuis qu’ils se connaissaient. Mais ça ne pouvait que la rendre dingue de le voir avec cette autre femme, bien plus séduisante qu’elle. Lula n’entendit que vaguement les pas derrière se rapprocher, et elle s’arrêta seulement lorsqu’on lui agrippa le bras. Se tournant vers lui, elle retira malgré tout son bras de l’emprise de l’homme, lui faisant à présent face. Elle tentait de cacher et de contenir ses émotions, l’envie de simplement craquer se faisant de plus en plus présente dans sa poitrine. Elle restait silencieuse, persuadé qu’à la moindre parole, elle éclaterait sûrement en sanglots. Lorsqu’il lui demanda si c’était à cause d’elle, Lula se contenta de lever yeux au ciel, détournant un instant le regard. À cause de qui d’autre ? Il l’attira doucement dans ses bras et, au lieu de se débattre, la petite blonde le laissa faire, s’approchant doucement, le regard toujours baissé, alors qu’elle venait se blottir un peu plus près de lui. Il n’y a rien de plus. Ça, elle était loin de le croire. Elle aurait voulu lui dire, être honnête sur ce qu’elle avait vu. La façon dont elle le regardait, dont elle le bouffait des yeux sous le nez de Lula, incapable de faire quoi que ce soit. Puis les doigts de l’homme effleurèrent son visage jusqu’à son menton, venant lui relever la tête, son regard s’ancrant finalement dans le sien le temps qu’il prononce ces quelques derniers mots qui, malgré sa tristesse, eurent le don de lui arracher un doux sourire. Il avait dit ça tout naturellement, sans sembler y réfléchir, et c’était pourtant la plus belle chose qu’il avait pu lui dire jusque là. Elle décida de mettre cette affaire aux oubliettes le temps de la soirée. Elle lui en reparlerait, c’était certain. Mais pas là. Cet instant était trop précieux. — Moi aussi, je t’aime Nash. — fini-t-elle par chuchoter, un léger sourire toujours collé aux lèvres alors qu’elle l’observait attentivement. C’était simple, elle était parfaitement incapable d’être en colère face à lui. Il avait l’art de la faire fondre avec un regard, un sourire. — Faut que j’aille récupérer mes affaires, on rentre après ? — Chez lui, chez elle, elle s’en fichait bien, Lula. Elle avait juste envie de passer le reste de la nuit contre lui, dans le calme. Elle ne voulait pas reparler de cette affaire, pas encore. Elle finirait bien par lui demander, un jour, ce qu’il y avait vraiment entre eux. Même si la blonde avait une totale confiance en son copain, elle doutait bien que le terme meilleure amie soit le bon à utiliser, dans ce cas. Elle glissa sa main dans la sienne et l’entraina à nouveau dans le bar, espérant secrètement que l’autre femme soit partie entre temps. Hors de question de se retrouver face à elle, elle ne voulait pas lui parler. Elle allait récupérer ses affaires, et ils allaient mettre cette affaire de côté un certain temps, assez pour que Lula n’est plus envie de pleurer en se repassant les images en tête, de la façon dont elle avait regardé Nash toute la soirée.