trouble in paradise

Leo & Mika

« Je vais devoir quoi ?! ». Tu venais de lâcher bouche bée du haut de ce balcon privé, abasourdi par les dernières paroles de ton géniteur. Tu te doutais bien que si celui-ci avait insisté pour que tu te joignes à lui lors de cette soirée caritative ce n'était nullement pour partager un charmant moment père/fils. Loin de là. Déjà qu'il n'avait jamais vraiment été ce genre de figure paternelle depuis ta naissance, il y avait fort à parier que les choses n'allaient pas changer cette nuit là. Encore moins après avoir joué les modèles photos non consentant pour la presse à scandale ces dernières semaines. Mains baladeuses, gestes équivoques avec ton amant de l'époque, voilà ta sexualité questionnée et mise en avant dans les tabloïds anglais. Une chose qui en soit t'aurait doucement faire rire si tu avais pu assumer ton penchant pour la gente masculine. Hélas tu étais un héritier Jørgen et comme tout membre qui se respecte, tu n'étais aucunement libre de tes choix. Privé d'une liberté bien trop précieuse à ton goût pour l'étouffer avec tout l'or du monde, tu avais pourtant fait fi d'une partie de toi, te révélant à l'abri des regards, faisant presque croire à tes proches que ton homosexualité n'était qu'une vague tare enfermée à double tour. Sauf que cette fois-ci, on t'en demandait beaucoup trop. « Tu as parfaitement compris Mikaïl. Ton comportement a causé bien des torts à la famille et il est hors de question que cela continue », répondit sèchement Viktor Jørgen, ton père, avec un calme remarquable. « Mon comportement ? Tu crois que me taper des mecs est un caprice de gosse de riche ? Une crise d'adolescence tardive histoire de t'emmerder toi et maman ? ». Tu siffles entre tes dents, estomaqué par ce qui est en train de se passer. Te faire chanter de la sorte. Te contraindre à choisir entre ta passion pour la danse et ta véritable nature. Un horrible dilemme où il avait été plus que clair. Soit tu acceptais de jouer les enfants dociles soit il se débrouillait pour te griller à tous les niveaux dans le milieu de ta profession. Pour le connaître, tu savais pertinemment de quoi il était capable. « Reste poli veux-tu. De toute manière tout est déjà arrangé. Elle ne devrait plus tarder ». Un réajustement presque mécanique de son smoking luxueux et déjà le chef de famille repartait vers l'intérieur. « Comporte-toi en homme, ne gâche pas tout », conclut-il froidement sans autre forme d'émotion. Des mots qui t'alourdissent de douleur. «  Din spasser !*». Tu jures en danois entres tes lèvres, déchiré entre la rage et la peine que toute cette situation t'inflige. Tes doigts se resserrent sur les moulures en marbre de la rambarde du balcon. Fermant les yeux, tu en oublierais presque qu'en fond la soirée semble se dérouler à merveille. Tu ne sais plus quoi penser ou quoi faire. Tu te dis que t'as besoin d'un verre. Une bonne dose d'alcool. Prêt à choper le premier serveur venu pour te soulager, tu prends une grande inspiration avant de te retourner sans ménagement. C'est là que tu croises aussitôt son regard. Ces yeux que tu vas croiser quotidiennement désormais. Ces lèvres qui toucheront les tiennes afin de parfaire votre jeu de rôle. Cette taille que tu devras enlacer pour contribuer à votre mensonge. Une bien jolie demoiselle élégamment vêtu dont tu ne distingues pourtant que le poids violent de sa présence en ces lieux. Tu ne sais rien d'elle si ce n'est son prénom ainsi que sa participation indemnisée à la construction de cette cage dorée. « Leonora je suppose », souffles-tu d'un air presque condescendant. Feintant de retenir un rictus de colère, tu te mets à la jauger. « J'imagine ne pas avoir besoin de me présenter.. Mon père a déjà dû s'en charger en signant un joli chèque ». Étriquant un sourire cynique à peine remarqué au coin de ta bouche, tu te retiens de ne pas déverser toute ta frustration sur elle.

*bordel de merde (en danois)

trouble in paradise

Leo & Mika

Dans ta colère face à cette situation plus que contraignante, tu n'avais pas envisagé une seule seconde de tomber sur une femme aussi.. caractérielle. Une femme avec un tempérament de feu comme le tien. Déjà que cette histoire était compliquée, tu comprenais rapidement que de nombreuses étincelles allaient fuser entre vous. Pas étonnant que ton père l'ait choisi au final. Une blonde écervelée bonne à juste faire la potiche n'aurait sans doute pas suffit à te contraindre. Si votre rencontre n'avait pas été forgée dans l'obligation la plus totale, tu aurais presque été admiratif de sa détermination. Sauf que là tout était différent. Tu l'écoutes déblatérer sur ses revendications, logiques pour certaines, encensées pour d'autres. Princesse.. Son impudence et son audace te font l'effet d'un bon coup sec en plein visage. Une baffe stridente qui te pousse à retenir davantage ton tempérament impétueux. Croisant les bras à ton tour, tu plisses discrètement les yeux, comme si tu la jaugeais un instant sans pour autant fléchir. Les sourcils partiellement froncés, t'affiches une moue sarcastique avant de t'approcher d'elle. « Premièrement, blondie, sache que tout l'alcool du monde ne suffirait pas à me donner envie de tenter quoique ce soit avec toi. Je préférerai encore rouler une pelle à un lépreux ». Si elle a du répondant elle va devoir comprendre qu'elle ne sera pas la seule. Loin du stéréotype du gosse de riche prétentieux qui pense être supérieur aux autres, t'es pas du genre à prendre de haut tes interlocuteurs sauf quand ceux-ci t'emmènent aussi clairement sur ce terrain. « Deuxièmement, ta famille est le cadet de mes soucis même si j'imagine qu'elle doit être tellement fière de toi à l'heure actuelle ». Et une pointe de sarcasme en prime. Tu ne peux pas dire que tu la détestes puisque tu ne la connais pas. Mais il faut bien que toute cette frustration et cette peine partiellement contrôlées s'évacuent d'une manière ou d'une autre. Si on t'avait laissé le temps d'assimiler tout ça, de laisser éclater ce flot d'émotions, sans doute que tu n'aurais pas réagi de la sorte auprès de cette jeune femme. « Et pour finir, je serai ravi que tu me lâches la grappe pour des crustacés, à défaut de devoir empoisonner ta bouffe pour avoir la paix », siffles-tu entre tes dents avant de l'observer se retourner vers la vitre donnant pleine vue sur le buffet et le bar déjà pris à partie. T'es complètement paumé dans tes ressentis. Passant l'une de tes mains dans tes cheveux, tu te mords la joue intérieure afin de ne pas perdre pieds. Tu en veux tellement à ton père en ce moment. Tu entends Leo t'interpeller et même si habituellement tu l'aurais envoyé balader, tu lui jettes un regard noir avant de lui passer devant sans rien dire. Vos deux épaules se frôlent presque au passage avant de rajouter. « Si ça peut t'empêcher de me parler encore de crevettes.. ». Tu roules les yeux tout en te dirigeant vers la sortie pour rejoindre le reste du troupeau. La faim ne se fait pas du tout sentir au creux de ton estomac, bien trop noué pour le coup. En revanche la soif, elle, irrite ton gosier en manque. T'as besoin de ce verre depuis les premières paroles de ton père. Une fois en bas d'ailleurs, tes yeux guettent sa présence sans grand succès pour l'instant. Droit sur le bar, tu commandes un martini plutôt corsé, histoire de vite en sentir les effets. « Personne ne croira à cette mascarade ». Tu souffles à voix haute, plus pour toi que pour elle tout en avalant une grande gorgée du précieux liquide. Dehors, t'en profites même pour allumer une cigarette qui se rajoute à présent à ton kit de survie.