injured, broken x hurted (dawn)

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Ana était une femme pudique, tant sur ses sentiments que sur son histoire personnelle. Si, bien entendu, beaucoup à Brighton connaissait le drame de son adolescence, à savoir le décès brutal de son père, l’ancien maire de la commune, tous ignoraient toutefois l’histoire sordide qui avait hanté sa vie pendant six longues années. Debout devant une assemblée de femmes, aussi bafouées et humiliées qu’elle, l’exercice auquel s’adonnait Ana était compliqué. Il fallait raconter, dire, se livrer. Parler de ce qu’il lui avait dit, cet enfoiré, pendant six ans, manipulant son esprit, son mental et son corps. Les larmes aux yeux, elle n’avait prononcé qu’une phrase avant de craquer, déjà. Pourtant, il n’y avait aucune honte à avoir. Ana était victime, non coupable et aucune de ses femmes ne la jugerait. « Il me disait de me laver, que mon teint halé montrait que j’étais sale » dit-elle tout en se frottant instinctivement cette peau qu’elle avait malmené et tant voulu voir s’éclaircir alors qu’elle tenait cette teinte sucrée de son père et de ses racines chaleureuses du Porto-Rico. La séance collective se poursuivit, toujours aussi émouvante même lorsqu’elle ne se confiait pas. Un témoignage en particulier la bouleversa et à la fin, doucement, à pas feutrés, Ana décida de s’approcher de la jeune femme. Elle l’avait déjà remarqué et avait déjà eu envie de lui parler mais elle n’osait pas, jusqu’à présent, par peur de la brusquer. « Excuse-moi », souffla Ana doucement, sans la toucher, sachant les réactions qu’elle pouvait éventuellement avoir. « Je suis Ana-Maria », dit-elle, ne sachant pas vraiment quoi faire maintenant qu’un premier contact était établi. Désormais, elle se sentait gênée et mal à l’aise, à l’idée de déranger cette jeune femme. Elle bafouilla, baissant les yeux sur ses mains et notamment sur son alliance, gage de sa reconstruction. « Ce que tu as vécu me bouleverse à un point... »

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Ces rencontres de groupe, Dawn avait été forcée de s’y présenter. Son psychiatre le lui avait fortement recommandé, mais la jeune femme se doutait que la spécialiste ne lâcherais pas le morceau tant et aussi longtemps qu’elle ne s’y attelait pas. Si, au départ, elle allait plutôt à recoulons, s’installant dans un coin et gardant le silence pendant la majorité des discussions, elle finit par s’habituer à ses soirées, à entendre les autres femmes parler de leurs histoires, de leurs vécus. Et parfois, même, elle se reconnaissait dans certains de leurs aveux. Pour autant, il lui fallut plus de temps, encore, pour accepter de parler. Certes, elle ne pouvait pas tout dévoiler, question de conserver le secret de son identité, mais rapporter les faits et gestes de son assaillant, sans mentionner de noms ou de lieux, ne mettait pas sa couverture en jeu. Elle commença donc à se dévoiler, doucement, sans se précipiter, encouragés par les regards compatissants des autres femmes qui l’entouraient. Elle se sentait forte, voire même protégée en ces lieux. Personne ne lui voulait du mal, ici. Ni dans cette ville non plus. Ce soir-là, la table ronde tournait autour de paroles prononcées, ces phrases qui marquent votre esprit, qui l’abime, qui le détruit. Une femme au teint hâlée exprima son désarroi alors que son bourreau lui disait qu’elle devait se nettoyer pour enlever la saleté qui tachait sa peau. Dawn secoua tristement la tête, atterrée que de tel propos ait pu être prononcé à l’encontre de cette femme. Quand vint son tour de parler, elle soupira. – Il n’a pas cessé de se vanter d’avoir été celui à qui j’avais donné ma virginité… mais… - Elle étouffa un léger sanglot dans sa voix. – Il me l’a arraché, volé. Je n’ai jamais acceptée qu’il me la prenne, je ne voulais pas que ça se passe comme ça. – Et les larmes qu’elle tentait de retenir coulèrent bien malgré elle sur ses joues, et elle sentit la main d’une femme gentiment lui tapoter l’épaule, un geste qui se voulait réconfortant mais qui la crispa plus qu’autre chose. Après cet évènement, elle avait bien du mal à se laisser toucher. À vrai dire, rares étaient ceux qui pouvait se le permettre, et sa voisine comprit rapidement que le geste, pourtant anodin qu’elle venait de poser, ne lui plaisait pas. Elle s’excusa d’une voix désolée, et Dawn lui fit comprendre que ça irait. Maple, à ses pieds, avait relevé sa tête pour scruter sa maîtresse, mais elle l’apaisa en passant sa main dans son poil couleur chocolat. La séance se termina, et alors qu’elle s’apprêtait à récupérer ses effets et quitter, la femme brune, celle-là même qui s’était confiée au sujet de ces remarques déplacées faites à son égard, l’approcha en s’excusant, puis se présenta comme étant Ana-Maria. La seule réponse logique qui lui vint à l’esprit fut aussi de se nommer. C’était la moindre des choses. – Dawn. – Cette seconde identité, elle l’avait adoptée, elle s’en était une deuxième peau sous laquelle elle se cachait, se protégeait. Même les femmes d’ici ne connaissaient pas ce pan de sa vie. La femme bafouée lui avoua avoir été profondément touchée par ses propos et ce fut à son tour de baisser les yeux, mal à l’aise. – Je… je suis désolé. – s’obligea-t-elle à lui répondre. – Ce n’était pas du tout mon intention... – Non, elle ne cherchait pas la pitié, ni de l’attention. Elle ne souhaitait qu’une chose, et c’était de se reconstruire, de se rebâtir une nouvelle vie. Mais il fallait pour ça parvenir à se libérer des blessures du passé. Et la tâche n’était pas des plus aisées.

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Dawn. Ce prénom était joli. Il exprimait, aux yeux d’Ana, une certaine innocence qui n’allait pas nécessairement avec l’histoire de cette jeune femme. Ici, malheureusement, on pouvait porter le prénom le plus angélique possible, ça n’allait pas ; bien qu’innocentes dans nos histoires, ces dernières gâchaient tout. Celle d’Ana-Maria n’y échappait pas. Cela l’avait changé. Ce n’était plus la femme aussi facilement ouverte sur ses sentiments qu’avant. Depuis, elle était bien plus discrète sur ses émotions et tentait d’en faire savoir le moins possible pour ne montrer aucune faiblesse que l’on pourrait retourner contre elle. Ainsi, par exemple, avec Casper, elle avait été la plus longue à se déclarer et à ouvrir son coeur, attendant d’être certaine des sentiments de ce dernier. Une ironie lorsqu’on sait qu’il l’avait tout de même trompé. Elle s’excusa aussitôt et la porto-ricaine ne fut pas étonnée ; à sa place, elle l’aurait également fait. « Ne t’excuse pas » dit-elle doucement, avec un sourire avenant et qui se voulait rassurant. « C’est à moi de le faire, je suis peut-être trop intrusive ? », s’enquit Ana, désormais gênée. Mordillant l’intérieur de sa lèvre à en sentir le goût du sang dans sa bouche, elle se mit à fixer ses pieds. Pourquoi l’avait-elle abordé ? Elle se sentait soudainement stupide. « Je le sais très bien que là n’était pas ton intention car nous sommes toutes là pour nous délivrer de nos fardeaux », ajouta-t-elle. Cela était son opinion, du moins, et le but de cette thérapie de groupe, également, pour elle. « Je te souhaite que du positif dans ta vie pour surmonter tout cela » conclut-elle, positive et pleine d’espoir pour la dénommée Dawn.

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En apparence, les femmes qui se trouvaient ici rassemblées n’avaient rien en commun. Mais si on creusait plus loin qu’à la surface, on se rendait compte qu’elles partageaient bien plus qu’elles ne pourraient le croire. De chaque témoignage, de chaque confession, elles pouvaient toutes tirés des ressemblances avec les situations qu’elles avaient vécus, et ainsi, se sentir moins seuls dans cette souffrance qui les pourrissait de l’intérieur. L’une de ses femmes s’était approchée de Dawn à la fin de la rencontre, lui confiant à quel point son histoire l’avait bouleversé, créant chez la jeune femme un certain malaise. Elle ne cherchait pas avoir la pitié des gens, encore moins à attirer l’attention sur elle. Si elle été en mesure de se fondre dans la masse et disparaitre, elle l’aurait fait. Mais ce n’était pas la vie qu’elle aspirait à vivre, maintenant qu’elle se savait plus en sécurité qu’elle ne l’avait jamais été. Elle n’aurait jamais la conscience tranquille, ça, non, mais elle ne pouvait effacer les marques de ce trauma incrustés profondément dans sa chair. – Ça… ça va, je vous assure. – répondit-elle à la portoricaine qui croyait avoir franchi une de ces barrières invisibles qui l’entourait. Dawn avait du mal à se faire à l’idée que les autres femmes présentent en ces lieux étaient là, elles aussi, pour tenter de se défaire de leurs démons, de s’enlever ce poids si lourd à porter sur leurs épaules. Comme cette Ana-Maria. Comme elle. La demoiselle à la chevelure blonde acquiesça d’un signe de la tête, replaçant nerveusement une mèche de ses cheveux derrière son oreille. Les délicatesses dont elle lui fit présents touchèrent tout de même le cœur fragilisé de la jeune fille. Peu de gens s’étaient souciés de son bien, au cours des dernières années. Ils se comptaient tous sur les doigts d’une seule main. – C’est gentil… merci, j'apprécie. Vraiment. – répondit-elle d’une voix incertaine, toujours aussi malhabile dans ses interactions humaines. Le regard de la femme au teint halé se voulait bienveillant à son égard, rassurant même. Aucune malice ne pouvait y être perçue et l’américaine se sentit en confiance avec elle, sans la connaître réellement. – Ce que cet homme vous a dit... il avait tout faux. J'espère... que vous le savez. – reprit-elle, faisant référence aux précédents propos de la femme, ceux qu’elle avait confiée à mi-voix au groupe. Cet être ne méritait même pas de porter le statut d’homme, mais la mesquinerie ne faisait pas partie de ses traits, et elle se darda bien de rester dans les politesses.

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Pendant les six années passées à Paris, ça va avait été le mensonge le plus souvent prononcé par Ana-Maria, pourtant adepte de la véracité et de la sincérité. Elle allait bien quand il lui disait qu’elle était sale parce qu’elle avait la peau halée. Elle allait bien quand il s’absentait pendant des jours sans donner signe de vie. Elle allait bien quand il l’insultait. Elle allait bien quand il fallait mentir et ne pas parler de leur relation, après avoir appris qu’elle n’était qu’une maîtresse, qu’une seconde. Encore aujourd’hui, c’était d’actualité. Ana prétendait aller bien alors qu’elle venait de découvrir que l’homme qu’elle aimait, Casper Beaumont, l’avait trompé à quatre reprises avec des étudiantes et que l’université l’avait découvert. En réalité, elle avait honte, profondément. Pour toutes ses raisons, la porto-ricaine ne crut donc pas la jeune Dawn lorsque celle-ci assura qu’elle se portait convenablement mais elle n’en montra rien. Cela ne la regardait pas, après tout. Ana avait déjà été assez intrusive comme cela. Dawn la remercia et elle se contenta de répondre : « Je vous en prie ». Nul besoin de remerciement quand on comprend la situation, qu’on l’a vécu. Ana arqua un sourcil alors que Dawn évoquait son amant parisien, Clément. « Vous appelez ça un homme, vous ? », rétorqua la jeune femme. « Avec le recul, désormais, j’appellerais ça plutôt … une merde, vous en pensez quoi ? », poursuivit-elle avec un sourire malicieux.

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Mentir, déformer la vérité, ignorer une remarque, une question, feindre le manque d’attention. Des mécanismes de défense que la jeune américaine maitrisait, qu’elle utilisait comme bouclier pour se protéger, elle, contre le reste du monde entier. Elle se refermait comme une huitre, ne laissait plus personne pénétrer dans son cœur, dans sa vie, de peur d’être à nouveau blessée, mentalement, physiquement, moralement. Adam l’avait détruit, et elle peinait désormais à se reconstruire, à guérir ses plaies intérieures et extérieures. Mentir, parce qu’elle ne savait que faire d’autre. Parce que dire la vérité faisait trop mal, et qu’elle était difficile à entendre. Dawn n’avait pas l’habitude qu’on la prenne en pitié, qu’on sympathise à sa situation. Elle n’en voulait pas à cette femme de l’avoir approché, elle ignorait seulement comme agir dans de telles circonstances. Comme une enfant qui doit tout réapprendre, s’adapter à son environnement et au monde qui l’habitait. Si elle remarqua son profond malaise, la femme n’en pipa mot, préférant s’attarder sur sa dernière remarque au sujet de l’homme qui l’avait blessé dans le plus profond de son être. Sa réplique réussit même à arracher un rare sourire aux lèvres de la blonde demoiselle, qui ne le laissait pas aisément paraitre. – Vous avez raison. – admit-elle d’emblée. Ils n’étaient plus des hommes, ceux-là. Plutôt des bêtes sauvages qui laissaient leur instinct dicté leurs faits et gestes sans se préoccuper des répercussions, agissant dans le seul but de satisfaire leurs viles envies. Scrutant la femme qui la surplombait de sa grandeur, Dawn effaça son sourire, affichant sur son visage un air soucieux. – Je… je peux vous poser une question? – lui demanda-t-elle, et lorsque cette dernière acquiesça, la jeune fille hésita. Mais ça lui brulait les lèvres, de savoir. Savoir s’il y avait véritablement de l’espoir. – Comment êtes-vous parvenu à vous en sortir? À être capable de vous épanouir après avoir vécu… tout ça. – Son regard brillait de cette petite étincelle, celle-là même qui la maintenait en vie, et qui lui donnait la force de se battre à chaque jour contre ses démons. Elle espérait tellement, un jour, être capable de vivre sa vie comme une fille de son âge. D'être normale. En plus de lui arracher sa vertue, c'est aussi son identité qu'il lui avait volé. Comme si le premier ne lui avait pas suffit.

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Au moins, Dawn et Ana-Maria s’accordaient sur la façon de désigner ces hommes qui s’amusaient du malheur de femmes naïves et sensibles en les manipulant et surtout, en les détruisant. Ce que Clément lui avait fait, Ana s’en souviendrait toute sa vie. C’était gravé en elle, marqué comme au fer rouge. A y penser, un frisson d’horreur la parcourut alors que Dawn voulait lui poser une question. Ana se ressaisit. « Oui ? », s’enquit-elle, l’autorisant ainsi à poser la question qui lui brûlait les lèvres. Comment s’en était-elle sortie ? Ana réfléchit. D’abord, en quittant la capitale française qui lui avait permis de s’échapper loin des griffes de Clément. Ensuite, en se plongeant corps et âme dans son travail d’adjointe au maire, notamment pour rendre fier son défunt père qui avait occupé le plus haut poste de la municipalité. Enfin, Casper. Qui, à son tour, la faisait désormais souffrir comme jamais. Le goût de la rancoeur vint envahir le palais de la jeune femme mais elle répondit tout de même ce qui lui paraissait être la vérité, avant de la connaître, celle-ci, justement. « Un homme », commença à répondre la jeune femme. « Je ne voulais plus de l’amour mais cet homme-là, plus jeune que moi, plus insouciant, j’ai toujours craqué sur lui et à mon retour, il a éprouvé un certain intérêt. Il a patienté et finalement, je lui ai offert sa chance ». Son ton amer ne pouvait échapper à personne parce que cette chance, Casper l’avait souillé en couchant avec ses étudiantes. « Je ne m’en suis pas sorti, vous savez, Dawn. Je vis avec et je mens constamment. Toute ma vie est bouleversée, depuis », expliqua-t-elle bien que Dawn devait le savoir tout aussi bien qu’elle voir plus selon son vécu. « Il n’y a qu’ici que je parviens totalement à m’ouvrir sur ce que j’ai vécu ; pour preuve, je n’ai parlé que récemment de ce qui m’est arrivé à l’homme que je dois épouser ». Devait. Mariage annulé mais il fallait jouer la comédie, encore, toujours.

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Elle s’attendait à tout entendre, mais la réponse que lui offrit la jeune femme la laissa perplexe. À ces yeux, elle mettait encore les hommes dans ce même ensemble potentiels nuisibles à son bien-être et sa sécurité, mais il y avait pourtant un soupçon de sincérité qu’elle ne pouvait réfuter. Tant qu’elle ne s’ouvrait pas à l’un d’eux, tant qu’elle ne laissait aucun garçon l’approcher, jamais ne pourrait-elle se débarrasser des images qui la hantait dès qu’une main se tendait vers elle, ou qu’on la frôlait, inconsciemment. Son cerveau devait pouvoir associer ces gestes à autre chose, mais elle n’avait aucune référence en la matière, rien que le douloureux souvenirs des mains d’Adam qui s’affairaient sur son corps, à violer la moindre parcelle de son intimité. Elle déglutit difficilement avant de ramener son attention sur Ana-Maria, sa main cherchant à tâtons le pellage réconfortant de Maple. Dawn ne remarqua pas la nuance dans la voix de la portoricaine, trop distraite par ses propres réflexions, un ton qui aurait pourtant eu le don de l’inquiéter en d’autres circonstances. Puis la femme y alla d’un aveu avec lequel elle se reconnu davantage. Jamais elle ne pourrait oublier ce qu’il lui avait fait subir. Ce fait, elle devait apprendre à composer avec lui, à ce qu’il cohabite pour le reste de ses jours dans sa petite tête blonde en compagnie du reste de ses pensées. Elle ne pourrait jamais s’en débarrasser, et elle dût baisser la tête un instant pour cacher les larmes qui venait d’envahir ses yeux noisette. Envahie par le désespoir, Dawn ne parvenait pas à comprendre que ces espoirs n’étaient pas vains et qu’il y avait tout de même de l’espoir. Elle aurait tant voulu pouvoir tout oublier d’un claquement de doigts, faire disparaitre sa mémoire tous les abus qu’elle avait subit dans le passé afin de recommencer une vie, sa vie. Lorsqu’elle releva son regard vers la femme, les gouttelettes perlaient toujours au coin de ses paupières, mais elle ne parvenait pas à les chasser. – J’ai tellement rêver de mener une vie… normale, mais ça aussi, il me l’a arrachée... – Elle inspira avec difficulté, sentant les sanglots s’étouffer dans le fond de sa gorge. – Ça n’arrêtera donc jamais… - Plus qu’une simple constatation, mais plutôt un fait qu’elle se devait d’accepter afin de pouvoir être en mesure de continuer à avancer. Il ne suffisait à rien de vivre dans l’illusion que demain, tout ce qu’elle avait vécu n’influencerait plus sur sa vie. Ça ne fonctionnait pas comme ça, et elle se sentit bien naïve d’y avoir cru, comme la pauvre gamine qu’elle était.

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La jeune femme semblait bouleverser et cela touchait profondément Ana qui s’était forgée une armure et ne laissait plus rien paraître. Cela au risque de parfois paraître froide et inaccessible, ce qu’on lui reprochait souvent mais cet homme, ce parisien, l’avait tant brisé qu’elle ne voulait plus laisser entrevoir ses faiblesses aux autres afin qu’ils s’en servent et ne la blessent, à leur tour. Profondément attendrie par la jeune femme, par Dawn, elle fut tenté de lui tendre une main compatissante, une marque de soutien mais elle s’abstint, dans un premier moment. Une vie normale, toutes les femmes qui venaient ici en rêvaient mais elles n’en auraient pas le droit. Si Ana avait eu la chance de retrouver l’amour, cette histoire en restait traumatisante et marquait de sérieuses conséquences dans son couple, qu’elle tentait de faire demeure discrètes, plus ou moins vainement. « Ca s’arrêtera, je vous le promets », dit doucement Ana en posant doucement sa main sur celle de Dawn. « Vous avez quoi … à peine vingt-cinq ou vingt-six ans ? Cela prendra du temps, c’est certain mais vous trouverez quelqu’un à qui ouvrir votre coeur et qui vous aimera à votre juste valeur. Vous êtes sublime et vous me semblez intelligente, c’est … inévitable ». Ana était sincère. Elle pensait chacun de ses mots sans pour autant connaître la jeune femme au-delà de ses récits mais c’était la connaître sans doute bien plus que de nombreuses personnes de son entourage, après tout. « Je suis l’adjointe du maire et si jamais, vous voulez parler ou vous avez besoin de quoi que ce soit, n’hésitez pas à venir me voir à mon bureau, je serais là pour vous, Dawn ».

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Dawn était comme un livre ouvert : on pouvait aisément lire sur son visage toutes les émotions qui y passait, de la joie à la tristesse, de la peur au soulagement. Hypersensible et émotive comme elle l’était, la simple idée de se cacher derrière un visage de marbre, de ravaler ce qui faisait d’elle une humaine, lui paraissait insensé. Ça serait se mentir à elle-même, et l’américaine savait qu’elle n’y parviendrait pas. Peut-être qu’avec les années, elle allait réussir à s’endurcir, à contenir ces explosions d’émois qui l’accaparait de la sorte, mais le cheminement jusqu’à serait long. Très long. Trois ans n’avaient pas suffit à le changer autant qu’elle le désirait. Le reste de sa vie ne suffirait peut-être pas non plus à la rendre plus forte. Les larmes coulaient lentement sur ses joues satinées, et Dawn réagit à peine lorsque la femme posa délicatement sa main sur la sienne, touchée par sa détresse. Cette main-là, elle le sait, ne lui fera aucun mal. Elle n’a aucune raison de la craindre. Relevant la tête, elle riva son regard brillant vers celui de la portoricaine, s’accrochant à ses paroles comme à une bouée de sauvetage. Des mots qu’elle avait besoin d’entendre, même si elle n’assimilait pas l’information qui s’y rattachait. – Merci… – fit-elle en ravalant un énième sanglot, tâchant de reprendre un certain contrôle sur elle-même. Elle le devait, elle n’en avait pas le choix. Se concentrant pour respirer plus calmement, pareillement aux techniques de relaxation qu’on lui avait appris par le passé pour calmer ses crises d’anxiété, Dawn ne manqua pas d’assimiler les mots de cette femme, assimilant ces détails dans un coin de sa tête, à l’abris du reste. – Je n’hésiterai pas. – Un faible sourire, quoique sincère, apparut à la limite de ses lèvres. Il ne restait désormais plus qu’elles dans le local, ainsi que l’intervenante qui terminait de ranger ses effets personnels. Récupérant son sac qu’elle déposa sur l’une de ses épaules, la blonde se releva et Maple en fit de même, prêt à reprendre la route. Elle attrapa la laisse de la bête, avant de se retourner à nouveau vers Ana. – À la prochaine fois… ? – fit-elle à son attention, jugeant que cette femme, tout comme elle, reviendrait la semaine prochaine pour continuer ce long processus qu’était celui de se soigner d’un tel trauma.

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